Partie II : Aujourd'hui
S'il était un moment de la journée que Vegeta préférait à l'entraînement, c'était bien celui-là. Il aimait déambuler au hasard des rues, les deux mains dans les poches, à observer les premières agitations humaines.
À son arrivée, il y avait maintenant près de vingt ans, la Terre lui avait semblé pareille à une fourmilière surpeuplée. Il avait vu maint et maint planètes dans l'univers, mais aucune n'abritait autant d'habitants. Le retard des terriens en matière de technologie spatiale y était pour beaucoup : sur un autre monde, plus de la moitié de la population aurait déjà mis les voiles pour des cieux plus cléments, mais ici, cette option n'était pas encore démocratisée. De fait, à des yeux habitués aux vastes propriétés de la Fédération, les humains s'entassaient comme du bétail dans des habitations le plus souvent minuscules ; ils passaient le plus clair de leur temps à s'adonner à des activités inutiles dans le seul but de subvenir à des besoins élémentaires qui auraient dû leur être accessibles inconditionnellement, comme la nourriture ou un logement.
Les mœurs et les aspirations des hommes lui échappaient encore. Vegeta avait connu pléthore d'esclaves aux conditions de vie plus enviables et il avait mis longtemps à comprendre ce que les habitants de la Tèrre entendaient lorsqu'ils évoquaient la “liberté” qui était la leur. Pour un saiyan, cette notion était claire ; mais les terriens, eux, l'avaient enrichie de toute une série de nuances, de variations, de finesses et d'exceptions qui en dénaturaient le sens que lui donnait Vegeta. C'était d'ailleurs une habitude chez eux que de tout compliquer, jusqu'aux concepts les plus simples, et c'était ce qui les rendait si difficiles à cerner.
Ainsi, souvent, le prince saiyan occupait le début de sa journée à observer les hommes de loin et à essayer de les comprendre. Mais aujourd'hui, ses pensées vaquaient bien loin de ces considérations. Elles étaient toutes occupées par le saut qu'il s'apprêtait à accomplir.
“— Tu repars demain et tu vas remettre de l'ordre dans tout ça. C'est bien compris ?”
Facile à dire !!
Il n'avait pas osé exposer à sa femme l'ampleur des dégâts. Tout le monde ou presque était mort, dont Piccolò, ce qui allait largement lui compliquer la tâche. Il allait devoir utiliser les Dragon Balls de Namèk, mais pour faire quel vœu, exactement ? “Rétablir l'ordre des choses” ? “Ressusciter tous les terriens” ? Impossible. Porungà n'avait pas été amélioré et il ne pouvait faire revenir qu'une seule personne par vœu. Trois, au mieux. Et il fallait non seulement restaurer la Tèrre, mais aussi Lantrakì et Yardràt.
“— Tu vas remettre de l'ordre dans tout ça.”
La tâche lui paraissait titanesque. Vegeta donna un coup de pied rageur dans une bouteille de plastique vide qui trainait sur sa trajectoire, et la regarda s'envoler au loin distraitement.
À quoi bon tous ces efforts ? Il aurait beau ressusciter tout le monde, ce serait pour créer un monde où Bulmà aimait Nappà, où Son Gokù deviendrait certainement plus fort que son doùble, où Krilìn était le sauveur de l'Univèrs.
Un monde sans Trùnks.
Quel gâchis !
Les premiers rayons du soleil attirèrent son attention. Un jour nouveau naissait à l'horizon. Vegeta tourna au coin d'une rue et prit la direction de la Capsule Corp. Il était temps de rentrer, mais il n'avait toujours pas la moindre idée de la manière dont il allait s'y prendre pour “remettre de l'ordre dans tout ça”. Dans son propre univers, Trunks avait tout simplement sauvé Son Goku, et tout s'en était trouvé réglé comme par magie. Mais son fils, lui, savait précisément tout ce qui allait arriver…
Il savait ce qui s'était produit dans les moindres détails… C'était un avantage certain.
Vegeta s'arrêta net.
Une aura s'approchait.
Non, pas seulement une aura. Ils étaient deux. Deux forces faibles et familières. Le saiyan reconnut alors Chaozu et Ten Shin Han, qui se dirigeaient de toute évidence chez lui. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
Le prince se concentra et identifia également les auras de Piccolo et Dendé.
C'est pas vrai ! On fait venir le dragon, alors Bulma a rameuté toute la smala !



Pendant que Bulma vérifiait que la magie n'avait causé aucun dysfonctionnement, la petite troupe de ses invités profitait d'un buffet matinal en évoquant leurs aventures passées. Vegeta se serait volontiers passé d'un tel remue-ménage et faisait de son mieux pour éviter tout le monde. Il ne tenait ni à évoquer le combat de la veille, ni son aventure dans le passé, et à la première occasion, il avait faussé compagnie à la cohue pour se réfugier à l'ombre d'un arbre voisin. Là, le dos collé au tronc, les bras croisés, il observait Goten et Trunks construire des châteaux de sable. À les regarder barboter dans la terre meuble du jardin, il était difficile de croire que ces deux enfants pouvaient faire exploser la Terre, si l'envie leur en avait pris.
Le prince des saiyans essaya d'imaginer ce qu'aurait été la vie de son fils, si Trunks était né sur la planète Vegeta. Sans doute aurait-il déjà perdu le compte des mondes qu'il aurait soumis à lui seul. Un enfant d'une telle puissance aurait joui d'une renommée galactique. La gloire lui aurait été assurée.
Et alors ?
Il avait lui-même été considéré comme un véritable prodige, et pourtant, le prince avait passé l'essentiel de son existence dans l'ombre de Freezer, puis dans celle de Goku. On finissait toujours par tomber sur quelqu'un de plus fort que soi.
Quelqu'un de plus fort que moi ?
Son doùble avait peut-être raison : il n'était plus un vrai saiyan. Pas au sens où Nappa l'aurait entendu, en tout cas. Était-ce l'influence des humains, celle de Goku qui l'avait changé à ce point ? Ou celle de Bulma ? Non. Ils avaient évidemment joué un rôle, mais celui qui l'avait vraiment changé avait des cheveux violets, un visage d'ange à moitié couvert de terre, et il riait aux éclats. On pense que ce sont les parents qui éduquent leurs enfants, mais en réalité, c'est tout le contraire. Vegeta avait changé seul le jour où il avait décidé d'être un père pour son fils.
Son fils. Trunks. Son fils qui avait traversé le temps pour leur offrir
Pour m'offrir
un avenir.
Son regard parcourut l'assemblée.
Son fils avait trouvé le monde trop noir, alors il en avait inventé un autre.
Ils lui en étaient tous tributaires.
Tous.
En un sens, Trunks avait créé leur monde. Un monde où Krilin, Yamcha, Son Gohan avaient un avenir.
Son Gohan.
Dans l'univèrs qu'il avait lui-même créé, la plupart de ces gens étaient morts. Au fond, il était à l'origine d'un monde assez semblable à celui qu'avait connu son fils. Mort, destruction, chaos… Tout ce que Trunks avait voulu leur épargner, ce passé qu'il tenait tant à changer, il en avait reproduit une variante. Bulma avait raison : il fallait qu'il change tout ça. Qu'il “remette de l'ordre”.
Et c'est en reportant son regard sur son fils qu'une idée le percuta. Un idée absurde. Une idée folle. Une idée toute saiyanne. Une fois qu'elle se fut imposée à lui, Vegeta ne parvint plus à l'écarter. Elle s'imposait comme la solution à tous les problèmes qu'il ressassait depuis la veille.
Le saiyan traversa la foule pour rejoindre sa femme près de la machine.
— Je peux partir quand ?
Moins de cinq minutes plus tard, Vegeta disparaissait dans les limbes du temps.



Vegeta n'apercevait que ravages et désolation à perte de vue. Pas le moindre être conscient à des kilomètres à la ronde. On devinait à peine les fondations de ce qui avait été la Capsule Corporation, à moitié engloutie dans un profond cratère.
Tout était sale et dévasté. Même le ciel semblait plus gris qu'il n'aurait dû l'être, tourmenté par des nuages noirs aux déplacements rapides. Au loin, un orage striait d'abondants éclairs.
Bordel, mais qu'est-ce qui s'est passé, ici ?
Il avait décidé de sauter dans le futur pour collecter des informations utiles sans créer de nouvelle ligne, mais si tout le monde était mort, alors il serait venu pour rien. Qu'est-ce qui avait pu réduire la planète à cet état ? Son doùble ne serait quand même pas responsable de cette apocalypse !? S'il avait fait ça, il allait le payer au prix fort.
Il y avait forcément des survivants. Il fallait qu'il les trouve. Vegeta se concentra pour ressentir les énergies au mieux. Durant de longues secondes, il ne repéra que d'inutiles esprits animaux, principalement des dinosaures. Puis, soudain, il sentit une force. Elle était extrêmement étrange. Il s'agissait d'un guerrier puissant, au ki à la fois familier et inconnu, comme s'il avait été habité par plusieurs personnes…
Cèll ! Ce serait Cèll ?! Mais comment est-ce possible ?
Un scénario se dessina dans sa tête. Son doùble aurait quitté la Tèrre avant le réveil de l'hybrìde, et ce dernier avait tout dévasté. Mais pourquoi serait-il parti ? Il lui avait pourtant dit qu'il l'attendrait. Et à en juger par le niveau de ce Cèll, il ne lui aurait causé aucun problème… Et puis, désormais, il localisait quelques esprits faibles -probablement des humains- à proximité du ki qu'il avait repéré. Cèll entouré d'humains, voilà qui paraissait improbable.
De toute manière, il aurait bientôt les réponses à ses questions. Mieux valait éviter une matérialisation directe. Ses ennemis connaissaient ses capacités, et il s'agissait peut-être d'un piège.
Vegeta décolla et se dirigea à pleine vitesse vers l'endroit qu'il avait repéré.
Il aperçut bientôt un volcan éteint à l'horizon. Aucun doute : c'était là qu'ils se trouvaient. Il arrêta son vol au dessus du cratère de pierres noires et scruta les environs. Il aperçut soudain des teintes colorées, presque imperceptibles, cachées sous un surplomb. Il s'en approcha et découvrit alors tout un système de miroirs destinés à apporter de la lumière à un véritable jardin souterrain. Sous les roches sombres se trouvait des hectares de cultures, habilement dissimulées, et cultivées par tout une batterie de robots agricoles. Le spectacle était aussi inattendu que saisissant.
Le saiyan se remit rapidement de sa surprise et se concentra sur les forces qu'il avait repérées. Il distingua bientôt l'entrée d'une grotte plus menue au sein de la roche. Probablement une ancienne cavité volcanique. Il y pénétra d'un pas assuré pour découvrir une installation lumineuse sommaire, constituée d'ampoules suspendues à un câble apparent. Puis, au bout d'une dizaine de mètres, il déboucha sur une pièce plus vaste, visiblement aménagée avec du matériel récupéré ça et là, sans réelle harmonie, mais parfaitement éclairée. Il n'eut pas le temps de détailler le mobilier. Au centre de la pièce, une femme d'âge mûr l'apostropha à l'instant-même où il arriva :
— Je savais bien que vous finiriez par revenir.



— Bienvenue. J'imagine que vous devez être surpris.
Vegeta avait effectivement beaucoup de mal à masquer son trouble.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Où est Cèll ?
— Il a quitté la Tèrre il y a bien longtemps. Vous arrivez trop tard si vous espériez le rencontrer. Beaucoup trop tard. Mais c'est certainement mieux comme ça.
— Qui êtes-vous ? demanda Vegeta, sentant que la situation lui échappait.
— Mon nom est Marta Factor. Je suis une ancienne collaboratrice de Bulmà Brief. C'est comme ça que je sais pour vous, et pour les boules de cristal. Je sais que vous avez toujours celle à six étoiles avec vous. Je vais être très directe. J'ai besoin que vous me la rendiez.
— C'est inutile, répondit Vegeta. Les boules de cristal ne fonctionnent plus depuis la mort de Piccolò.
— Oui, c'est aussi ce que nous avons pensé, confirma Marta. Cependant, un événement inattendu s'est produit.
— Un événement inattendu ? Quel événement inattendu ?
Ce fut un nouvel arrivant qui répondit au prince saiyan :
•••• Nous.
Vegeta tourna les yeux en direction des voix qui venaient de se faire entendre, mais qui appartenaient toutes au même individu : Tèn Shin Han se tenait dans une alcôve de la pièce, comme pour mieux ménager son entrée, son énergie réduite au point d'être indétectable. Décontenancé par l'incongruité de ses multiples découvertes, le saiyan avait complètement oublié cette puissance qu'il avait repérée et dont il pensait -à tort- qu'il s'agissait de Cèll.
— Toi ? s'étonna Vegeta. Et qui d'autre ?
•••• Avant de te répondre, nous devons à notre tour te poser une question : pourquoi es-tu revenu ? Quelles sont tes intentions ?
Vegeta n'hésita pas et décida de jouer franc jeu avec le triclope ; c'était le meilleur moyen d'obtenir les informations dont il avait besoin.
— J'essaie de réparer les torts que j'ai causés dans votre monde.
• Il se fout de nous, ou quoi ? demanda une voix bien connue que Vegeta reconnut immédiatement.
Yamcha !? Comment se fait-il que Tèn Shin Han parle avec la voix de Yamchà ?
• Calme-toi, reprit Tèn Shin Han, comme pour lui-même.
— Je ne sens pas de mal en lui, confirma Marta. Je pense qu'il dit la vérité.
• Est-ce que je dois rappeler ce que ce monstre a fait à Gohàn ? tonna une nouvelle voix furieuse à travers Tèn Shin Han. Ce qu'il a fait à Nappà et Krilìn ? Comment il a abattu la vieìlle ? Qu'il a détruit Lapis et Lazuli ? Que c'est lui qui a attiré Freezèr sur le monde ? Sans parler de Buù ?! Que c'est à cause de lui qu'on a perdu nos corps ?!
Vegeta n'en revenait pas. La scène à laquelle il assistait lui paraissait surréaliste et il en restait pantois.
— De toute manière, ce ne sera pas très dur de vérifier ce qu'il veut, reprit Marta d'un ton apaisant. Il vous suffit de pratiquer la connexion.
• C'est vrai, confirma Tèn Shin Han d'une voix calme. Il ne semble pas être belliqueux et de toute manière, il peut nous écraser en un instant. Allons-y !
Et le guerrier s'avança vers le prince saiyan d'un pas assuré.
— C'est quoi, ça ?! les arrêta ce dernier. Qu'est-ce que vous voulez faire ?
••• Nous allons connecter nos esprits avec le tien.
— Et vous croyez que je vais vous laisser faire ça ?! s'indigna Vegeta, qui frémit de dégoût au souvenir de sa fusion avec Goku.
— Si vous tenez vraiment à réparer le mal que vous avez fait sur le monde, c'est le moyen le plus simple, expliqua Marta. Vous saurez ainsi instantanément tout ce qui s'est passé depuis votre dernière visite, et pour nous, ce sera une façon de nous assurer que vous comptez bel et bien nous rendre la Dragon Ball. Si c'est le cas, nous collaborerons pleinement avec vous.
— J'ai bien compris que plusieurs personnes habitent ce corps, et je ne vais pas vous laisser m'absorber. Votre stratégie a échoué ! tonna le prince.
• Ça n'arrivera pas, idiot !! gronda une voix que Vegeta avait bien cru reconnaître, plus tôt, mais dont il ne réalisait qu'à l'instant les implications.
— Namek ? Enfin… Piccolò ? C'est toi ? s'étonna-t-il.
•••• Oui, et le Toùt-Puissant est avec nous, lui aussi. Nous n'avons pas eu d'autre choix…
— Pour préserver les Dragon Balls, termina Marta. C'est une idée à moi.
— Mais… Mais comment ?! Je t'ai vu mourir. Vous êtes allé sur Namèk ?
— Vous venez d'utiliser ce terme deux fois, constata Marta. Qu'est-ce que ce “Namek” ?
— Donc vous n'êtes pas allé sur Namèk. Ça n'a aucun sens !!
Le visage de Ten Shin Han changea encore une fois, pour arborer une expression à la fois grave et sage. Celle de Kamì-Sama :
• Il est normal que tu te poses toutes ces questions, saiyan. Laisse-nous faire et tu auras les réponses que tu désires dans quelques instants. Nous ne te ferons aucun mal.
La voix semblait sincère, mais Vegeta hésitait toujours.
— Allez-y… concéda-t-il finalement. Mais je vous préviens, si ça ne me plaît pas, je vous vaporise en un instant.
— Ne vous inquiétez pas, l'enquit Marta… Tout se passera bien, compléta-t-elle en accompagnant ses mots d'un sourire des plus rassurant.
Puis Tèn Shin Han leva la main et l'apposa sur le front de Vegeta.
Il n'y eut ni flash de lumière, ni sensation étrange. Il n'y eut aucun fantôme, aucune manipulation, aucune duplicité. Il n'y eut que les courants des vies qui se croisent en un de ces instants qui n'appartiennent à rien, ni personne, pas même au temps. Il aurait pu durer les nombreux siècles de la vie du Toùt-Puissant, ou alors cette courte seconde de bonheur fugace que Yamchà avait dérobée à l'existence. Mais tant qu'il dura, Vegeta fut habité par quatre autres consciences, toutes à la fois. Il fut en même temps le bouillonnant voleur du désert, l'austère combattant aux trois yeux, le démon en quête de rédemption et le protecteur de la Tèrre, tout autant qu'il demeurait l'arrogant prince saiyan.
Et durant cet instant, il sut, il vécut la terrible trahison de Cèll, la terreur qu'il déchaîna sur le monde et la désolation qu'il avait laissée derrière lui à son départ. Les images étaient floues. Néanmoins, il était clair que Vegetà avait été vaincu. La sensation fut extrêmement désagréable.
Bulmà, également, n'était plus de ce monde : il pouvait le sentir dans l'infinie douleur qui l'envahit, et qui lui appartenait désormais autant qu'elle appartenait à Yamcha.
Il sentit aussi le désespoir de voir son héritage en ruine. La Tèrre n'était plus simplement le fardeau que le Toùt-Puissant avait choisi de supporter : désormais, elle était aussi le sien, et chaque mort, chaque nouvelle perte résonnait comme une lacération dans sa propre chaire. Le goût d'un échec cuisant, inextinguible et cosmique lui serra la gorge.
Il sut aussi quelles tentations sordides se tapissaient dans l'esprit corrompu de Tèn Shin Han, et quelles violences celui-ci s'imposait pour y résister. L'humain s'était imposé une discipline de fer, quotidienne, et se nourrissait de chaque nouvelle épreuve pour renforcer sa détermination à faire le bien.
Un tourbillon d'affections étrangères l'envahit, des sentiments humains qu'il avait si longtemps cherché à comprendre lui parurent limpides et cohérents. L'attachement, les regrets, la compassion… La solitude du namèk orphelin de Yùnzabit succédait à la première rencontre entre Tèn et Chaozù, le goût de l'aventure de Yamchà s'opposait à l'austérité de Piccolò, et la joie composait avec la douleur en un même flux de sensations contraires.
Mais de tous les sentiments qui se saisirent de lui, il en fut un qui balaya les autres pour mettre Vegeta à terre.
Le saiyan tomba sur les genoux, le regard vide et les bras ballants, obnubilé par la complexité de ce qu'il ressentait désormais, son esprit cherchant désespérément un moyen de ne pas sombrer dans la folie furieuse.
Car désormais, Vegeta savait ce que Piccolò ressentait pour Gohàn.
Comme le namèk, le saiyan n'avait pas choisi d'avoir un fils : c'était Trunks et Son Gohàn qui s'étaient imposés à eux. Ils étaient tout simplement là, et leur présence avait changé les deux guerriers à jamais. Deux guerrier puissants, sans attache, pour qui l'existence se résumait à la vengeance et à la destruction, avaient tous deux donné leur vie pour protéger l'être qu'il chérissaient le plus au monde. Et pourtant, même si Gohàn n'était pas le véritable fils du namèk, ce denier l'aimait d'un amour si pur, si immaculé, si inconditionnel que Vegeta en fut stupéfait.
La reconnaissance et la dévotion de Piccolò envers le fils de Son Gokù étaient totales.
Et ce fils, c'est Vegeta qui le lui avait enlevé.
Par deux fois.
De la manière la plus brutale qui soit.
Ce faisant, il avait condamné la race saiyanne dans cet ùnivers. Trùnks n'existait pas. Gotèn n'existait pas. Ce faisant, le prince avait annihilé son propre peuple.
Alors, quelque chose en Vegeta se brisa. Des années de mort, de destruction et de massacres remontèrent son estomac, se frayèrent un chemin dans sa gorge et une plainte gutturale, longue et insupportable s'en échappa. Toute la douleur du saiyan avait été libérée durant cet instant où il avait enfin embrassé l'humanité.
Et quand Tèn Shin Han releva la main, Vegeta était changé.
Il était à la fois libéré du poids du passé et conscient de ses propres responsabilités. Il n'allait plus fuir. Il n'allait plus se mentir. Il n'allait plus détruire.
Il allait construire.
Et tout cela, eux aussi le savaient désormais.
Yamchà aurait pu être choqué par le lien qui unissait Vegeta à Bulma dans son propre univers. Mais il n'y vit que le bonheur de celle qu'il aimait.
Tèn Shin Han aurait pu laisser libre court à son instinct de vengeance, mais il respectait d'autant plus la volonté du prince de surpasser ses démons et d'embrasser la cause humaine.
Le Toùt-Puissant aurait pu craindre le caractère imprévisible et aventureux du prince, mais il fut sincèrement reconnaissant d'enfin découvrir la vérité sur ses origines, autant qu'il fut soulagé de voir que le prince venait en paix, cette fois-ci.
Quant à Piccolò, il lui fut rendu le plus beau des cadeaux : l'espoir. Son profond désir de vengeance s'étiola lorsqu'il réalisa que grâce à Vegeta, Gohàn pouvait lui être rendu.
— Alors ? s'enquit Marta dès que Tèn eut enlevé sa main du front du saiyan. Il va nous aider ?
Toujours à genoux, Vegeta serra les poings et redressa le visage dans un sourire confiant :
— Je suis désolé, mais je ne peux pas vous laisser cette Dragon Ball.
Marta crut défaillir. Toute cette attente. Tous ces espoirs. Toute cette volonté.
Pour rien.
Elle ne pouvait pas l'accepter.
Cette Dragon Ball était leur dernière chance de repeupler la Tèrre, leur dernière chance d'offrir aux enfants un monde vivable. Sa dernière chance de revoir Jim.
Vegeta lut le déchirement dans ses yeux clairs. Il compléta son affirmation :
— Je ne peux pas vous laisser cette Dragon Ball, mais je peux vous emmener sur Namèk.
Les yeux de Tèn Shin Han pétillèrent à cette idée.
— Namèk ? s'étonna Marta. Mais qu'est-ce que c'est, à la fin ?
Ce fut le Toùt-Puissant qui répondit :
• C'est ma planète d'origine. La planète où vit mon peuple. La planète où sont nées les Dragon Balls.
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