Chapitre 23
De vieux amis !
Trois jours s’étaient écoulés depuis que Buu avait quitté le domicile de la Saiyanne. Il ne savait pas vraiment pourquoi il était retourné la voir… Il avait prétexté l’inquiétude de certains de ses hôtes à son égard, – ce qui était effectivement le cas– mais il y avait autre chose… Mais quoi ? Buu restait généralement maître de lui-même et de ses émotions, mais depuis qu’il avait mis les pieds dans cet univers, il ne se reconnaissait plus. Il avait l’impression de perdre de plus en plus la maîtrise de son être et chaque jour passé en ces terres ne faisait qu’accroître cette dérangeante sensation…
Mais contrer ses hôtes pour garder le contrôle n’était pas la seule bataille qu’il devait livrer. Il se trouvait à présent face à un adversaire peut-être bien plus redoutable encore : lui-même. Et le combat ne faisait hélas, que commencer...
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Le démon survolait un champ de blé quand tout à coup, un violent mal de ventre le prit d’assaut, l’obligeant à s’arrêter en cours de route. Cela faisait des jours qu’il n’avait rien mangé, il fallait qu’il trouve de quoi remplir son estomac. Le Djinn aperçut en contrebas un groupe de six fermiers en train labourer les champs sous un soleil de plomb. Il les observa un bref instant, puis instinctivement, sa crête pivota et laissa apparaître un rayon de couleur rose qui se rua sur les cinq hommes avant de les changer en gâteau fondant et moelleux. La langue du Majin vint lécher sa lèvre supérieure tandis qu’il faisait venir les pâtisseries à lui. Elles ne suffiraient certainement pas à assouvir son incroyable appétit, mais elles apaiseraient sans doute un peu ses crampes d’estomac....
Le fermier s’arrêta de travailler, manifestement surpris de ne plus entendre ses amis parler. Il se retourna et constata avec stupeur que ces derniers n’étaient plus là. Buu fixa l’homme en train de crier les noms de ses collègues et les chercher frénétiquement du regard. Il s’apprêta à réserver le même sort au dernier homme présent dans les champs, quand tout à coup… une étrange sensation s’empara de lui, le forçant à mettre son geste en suspens. Le Majin plissa les yeux. Que lui arrivait-il ? Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il transformait des gens en nourriture pour les manger. Il venait d’ailleurs de le faire il y a quelques minutes. Il lui suffisait simplement de faire à nouveau pivoter sa crête et de laisser le rayon magique faire tout le reste. C’était simple ! Très simple. Alors, qu’attendait-il au juste ? Qu’avait-il à rester planté là à lorgner son « repas » d'un air hébété ?
Quelques secondes s’écoulèrent…
Bon, pour aujourd’hui ou pour demain ? On n’allait quand même pas y passer la journée ! Le Majin fronça les sourcils. Il ne pouvait l’expliquer, mais l’idée de tuer cet homme lui provoquait un malaise plutôt inhabituel. Et le simple fait d’avoir mangé les quatre autres lui donnait un sentiment de dégoût. Un sentiment que Buu avait du mal à comprendre… Depuis quand répugnait-il de transformer les gens en nourriture ? Cela ne lui ressemblait pas !
Le guerrier rose serra les poings et poussa un grognement. Il n’arrivait pas à mettre son geste en exécution. Cette impression était trop forte. Et plus il luttait pour l’ignorer, plus cette dernière s’imposait à lui. Ce fut donc à contrecœur et nourrit d’une colère noire que le Majin observa sa proie s’en aller dans son tracteur. Il fronça les arcades. Il fallait qu’il reprenne rapidement le contrôle ou ses hôtes finiraient par prendre définitivement possession de lui… Le démon s’apprêta à reprendre sa route quand son estomac le rappela à l’ordre. Hm… il fallait absolument qu’il se mette quelque chose sous la dent et vite ! Buu fonça
En direction de la ville la plus proche, guidé par le doux parfum des pâtisseries qu’il allait bientôt déguster.
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Le Majin se posa à quelques mètres du magasin, puis s’orienta en direction de la vitrine de ce dernier. Son choix important de pâtisseries et de confiseries faisait de l’enseigne l’une des boutiques les plus prisées de la ville. Et les allées et venues à répétition des passants étaient là pour le prouver. D’ailleurs en parlant de gens… Buu détourna un instant son regard de la vitrine pour observer son environnement quand tout à coup, quelque chose heurta sa jambe droite. Le démon baissa les yeux et constata qu’il s’agissait d’un petit ballon de football qui fut bientôt rejoint par son jeune propriétaire qui accourait en sa direction pour le récupérer.
— Rahh, Reran tu es impossible ! Je t’ai déjà dit qu’on ne jouait pas au football dans la rue ! s’écria une voix féminine à l’adresse du petit garçon tout marchant d’un pas vif pour le rejoindre.
— Mais maman…
— Il n’y a pas de mais ! coupa la femme en prenant l’objet des mains de son fils pour le mettre dans un des sacs qu’elle portait. — Excusez-le, il ne fait pas attention à ce qu’il fait, ajouta-t-elle à l’intention du Djinn.
Buu ne répondit pas, se contentant de la fixer du regard.
— Allez, viens. On entre à la maison ! Papa nous attend pour dîner, acheva-t-elle en prenant la main de son fils en esquissant un sourire gêné à l’adresse du démon avant de tourner les talons.
Le démon cligna des yeux, surpris par l’étrange comportement de cette Terrienne. Comment se faisait-il qu’elle n’ait ni fui ni hurlé en le voyant ? D’habitude tout le monde faisait ça. Et là, personne ne semblait remarquer sa présence. Pourquoi ne réagissaient-ils pas ? Ils ne le reconnaissaient donc pas ? Cela n’avait pas de sens… À moins que Gokû et ses amis n’aient demandé à Shenron d’effacer son souvenir de la mémoire des Terriens. C’était la seule explication possible… Une situation qui troubla légèrement le Djinn, peu habitué à passer autant inaperçu au regard des humains.
Le Majin tourna les talons puis s’approcha vers la porte de la pâtisserie. Il s’apprêtait à pénétrer à l’intérieur quand il tomba nez à nez avec un homme barbu et musclé. Cette personne, Buu la connaissait bien. Il s’agissait de Mr.Satan. Ce dernier se figea sur place en apercevant le démon qui se tenait face à lui.
— B… B… Buu ? balbutia l’humain, d’un air ahuri.
Il n’en revenait pas. Cela faisait sept ans que le Buu de cet univers était mort et il avait été très affecté la disparition de son ami. Satan s’approcha du Majin d’un pas hésitant, comme s’il s’agissait d’un mirage puis s’arrêta net. Il ne savait pas comment réagir face au démon. L’annonce de sa présence sur Terre avait été un véritable choc pour lui. Et lorsque Videl lui avait appris qu’il ne s’agissait pas du même Buu avec qui il avait noué des liens, le bonheur et la joie d’avoir retrouvé son ami, avait très vite laissé place à la crainte et à l’incompréhension… Le père de Videl cligna des yeux. Il savait que ce Buu était bien plus dangereux que les autres et qu’il n’était pas aussi amical que celui qu’il avait connu. Mais les souvenirs des moments passés avec lui commençaient à refaire surface et une partie de lui ne pouvait se résigner à l’idée que le démon ait perdu toute trace d’humanité.
— Je ne m’attendais pas à te voir ici… s’exclama-t-il à l’adresse du démon.
Buu ne répondit pas, se contentant de le fixer de ses yeux rouges et noirs. Satan enchaîna, hésitant :
— Videl m’a dit que tu venais d’un autre univers, est-ce que c’est vrai ?
— C’est ça, répondit simplement le Djinn.
— Mais… mais comment ? Comment tu as fait ?
— C’est un sorcier qui m’a fait venir ici.
— Un… un sorcier ? répéta le père de Videl d’un air ahuri.
— C’est une longue histoire.
— Ah, je comprends…
Le champion du monde des Arts Martiaux tenta de s’approcher un peu plus du démon, mais fut stoppé dans son élan par Bee, le chien que l’ancien Buu avait soigné et recueilli. La mâchoire de l’animal agrippait fermement le pantalon blanc de son maître, le tirant en arrière, comme pour le prévenir de se méfier du Majin.
— Allons, allons, mon toutou du calme ! Lâche mon pantalon veux-tu, s’exclama le père de Videl en poussant l’animal pour se libérer son vêtement de ses crocs.
Mais Bee ne l’entendit pas de cette oreille. Il resserra son emprise en poussant un grognement tout en tirant encore plus le pantalon. Il n’avait pas gardé de très bons souvenirs de ce Buu et il n’avait aucune envie qu’il fasse du mal à Satan. Mais devant l’insistance de son maître, il se résigna et lâcha prise avant d’aboyer pour faire part de son mécontentement. Une réaction qui surprit quelque peu Buu.
Le Majin observa un instant l’animal, puis reporta son attention sur le Terrien. S’il y avait bien une personne que le démon ne s’attendait pas à voir de sitôt, c’était bien Satan. Le souvenir de cet humain était encore très présent dans son esprit et malgré toutes les transformations qu’il avait subites, il n’était jamais parvenu à l’oublier. Buu fronça légèrement les arcades. Il avait l’impression de retourner dans le passé. À l’époque où il n’était qu’un gros balourd au cerveau atrophié. Il revoyait sa rencontre avec le Terrien.
Satan était la deuxième personne qui ne l’avait pas rejetée en le voyant. Sa puissance était très loin d’égaler celle de Gokû et de ses amis, mais sa finesse d’esprit avait été plus redoutable encore que la seule force de tous les guerriers de la Terre. Et pour cause : il fut le seul être qui réussit à approcher le démon et à l’attendrir… À tel point, que le Majin alla même jusqu’à faire preuve de bonté et d’humanité. Satan était parvenu à gagner sa confiance et il était la seule personne avec qui Buu s’autorisait à baisser sa garde. Là où ses anciens maîtres le considéraient comme un idiot tout juste bon à faire le pantin pour exécuter leurs ordres, Satan lui, l’avait traité avec respect, bonne humeur et amabilité. Une rencontre qui l’avait beaucoup marqué et qui malgré ses nombreuses transformations, était restée gravée dans sa mémoire à tout jamais…
Soudain, un bruit aigu de gargouillement émanant de son estomac le tira brutalement de ses pensées. Avec toutes ces histoires, il n’avait toujours rien mangé et il commençait sérieusement à avoir faim… un bruit qui raisonna comme une sonnette d’alarme pour le Terrien dont les yeux s’écarquillèrent légèrement.
— Oh tu as faim ! Viens, je vais te prendre quelque chose à manger ! annonça-t-il avec un grand sourire avant de se retourner pour entrer dans le magasin.
Il se souvenait parfaitement de l’appétit vorace du Majin. Il savait que dans cet état, il ne valait mieux pas le contrarier. Il avait donc tout intérêt à lui donner ce qu’il souhaitait sans rechigner s’il ne tenait pas à se retrouver dans son estomac au même titre que tous ces gens autour d’eux… Buu fixa un instant le Terrien. Que devait-il faire ?
Le Buu qu’il était autrefois n’était plus là. Lui se fichait pas mal de cet humain à la puissance plus qu’affligeante. Il n’avait besoin de personne et il pouvait très bien se débrouiller pour manger !
« Satan est le seul ami que tu n'aies jamais eus. Ne le rejette pas, il pourrait t'apporter bien plus que tu ne le crois ! » raisonna une voix dans sa tête.
Le démon cligna des yeux. Cette voix… il l’avait déjà entendue. C’était la même qui l’avait incité à rester chez Maëllyss et ce n’était pas celle de l’un de ses hôtes... Mais à qui pouvait-elle bien appartenir ? Il l’ignorait tout bonnement. Juste que ce n’était pas la première fois qu’elle se manifestait et que sa présence dégageait une force invisible qu’il ne parvenait pas toujours à dominer… Une chose qui commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs !
Même si le Djinn n’avait aucune envie de renouer avec le passé, il ne pouvait s’empêcher de ressentir un sentiment étrange à l'égard du champion du monde des Arts Martiaux. Une sensation qu’il n’arrivait pas à expliquer et qui le troublait quelque peu. Cette voix n’avait peut-être pas tout à fait tort après tout…
Le démon écarquilla les yeux, surpris par ses propres pensées. La faim embrumait décidément trop son cerveau. Il fallait qu’il se ressaisisse et vite ! Soudain, il aperçut Mr. Satan sortir de la boutique, avec deux cornets en plastique remplis de pâtisseries qu’il tenait dans chaque main.
— Regarde, je t’ai acheté quelques petites douceurs. Tu verras, elles sont délicieuses ! indiqua-t-il à l’intention du Djinn.
Les yeux de Buu fixèrent un instant le Terrien avant de se braquer avec envie sur les deux cornets qui contenaient les pâtisseries. Hm… il réfléchirait plus tard de ce qu’il ferait de Satan. Pour l’heure, remplir son estomac était plus important que le reste…