Je m'intéresse depuis quelques temps aux manifestations des policiers :
Je vous rappelle que le 8 octobre 2016, des policiers chargés de surveiller une caméra de surveillance étaient attaqués par de nombreux individus. Les policiers ne répliquaient pas avec leurs armes et certains d’entre eux étaient grièvement brulés à l’intérieur même du véhicule par des cocktails Molotov.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/10/08/deux-policiers-blesses-par-des-cocktails-molotov-dans-leur-vehicule-a-viry-chatillon_5010515_3224.htmlC'est à partir de là que les manifestations ont débuté et ont petit à petit fait place à plusieurs revendications dont la légitimité me parait discutable :
Déjà, sur la forme: il semblerait que pour ne pas se faire sanctionner comme ayant contrevenu à leur devoir de réserve, de nombreux policiers aient manifesté masqués, ce qui est interdit depuis... la loi anti-burqa dont le pouvoir politique ne devait pas penser qu'elle pourrait un jour permettre de sanctionner des policiers. De plus, certains policiers auraient manifesté armés, ce qui est un
délit.
Je ne doute pas qu'ils n'ont jamais voulu s'en servir mais avouez que cette méthode jette un froid vis-à-vis de la police tellement encensée après les attentats dont la France a été endeuillée depuis deux ans.
Sur le fond, j'ai dénombré 4 revendications principales:
La mise en place d’une présomption de légitime défense, une anonymisation des procédures de police, le classique "
on veut plus de moyens" et enfin un durcissement de la loi pénale et de son application.
Concernant la légitime défense:
Je pense que les policiers peuvent se rasséréner, ils
en bénéficient déjà, comme n'importe quel citoyen.
En effet, face à une agression injustifiée, tout individu a le droit de réagir de manière immédiate et proportionnée. La loi distingue (dans le lien que j'ai donné) entre la légitime défense (non punissable) et la vengeance ou l'acharnement (punissable).
Or, les policiers ne peuvent légitimement ignorer ce texte. Dès lors, et contrairement aux slogans simplistes qu'on peut voir ici ou là (du type "
présomption de légitime défense = permis de tuer"), j’ai cru comprendre qu'en réalité les policiers souhaitaient plutôt s'éviter d'être mis en cause et donc de subir une enquête, voire un procès en cas d'usage de leurs armes.
Bref, j'ai la farouche impression qu'en creux, les policiers souhaitent secrètement ne plus avoir de compte à rendre à la justice, ce qui laisse songeur quand au degré de confiance qu'ils accordent à l'institution dont ils sont le bras armé.
Je rappelle à ce sujet un adage bien connu:
"Quis custodiet ipsos custodes ?" Qui nous garde des gardiens (de la paix) ?
Cette première revendication me parait donc tout à fait discutable, les policiers pas plus que n'importe qui ne pouvant s'arroger le droit de ne pas se soumettre à la justice.
S’agissant de l’anonymisation des procédures: La revendication parait fondée sur la crainte d’être identifié et poursuivi jusqu’à son domicile. Après le drame de
Magnanville, il est difficile de dire que ce risque n'existe pas.
Malheureusement, je ne sais pas si cette mesure serait réellement efficace. Pour avoir vécu avec une gendarme, je sais que celui ou celle qui occupe cette fonction est connu de tous dans la ville ou le quartier dans lequel il officie. Et s'il est assez délicat de se rendre dans un appartement de gendarme lui-même situé dans une gendarmerie blindée de type armés, il ne sera jamais très difficile de suivre un policier à la sortie du boulot afin de savoir où il habite, anonymisation de ses procédures ou pas.
Le renforcement des moyens alloués à la Police: On en avait déjà parlé
ici.
C'est là encore une revendication qui me parait légitime. La Police est une des missions régaliennes de l'Etat et celui-ci doit dès lors lui attribuer un budget suffisant, plus que pour toute autre mission. Or il suffit de se rendre dans n'importe quel bureau de policier pour se rendre compte que les subsides de l'Etat ont cessées d'être allouées en 1970 pour ce qui est de l'informatique notamment.
Concernant le durcissement de la loi pénale : Nous avons de nouveau eu droit à des diatribes anti-magistrats supposés trop laxistes ces derniers temps (c'est à se demander pourquoi les policiers ont peur d'utiliser leurs armes en légitime défense et de s'en expliquer ensuite).
Là aussi, je doute du bien fondé de la demande: malgré l'arrivée de la gauche au pouvoir (avec un accueil plutôt froid de certains syndicats de policiers) et la mise en place de Mme Taubira (
honnie par certains syndicats de policiers) au ministère de la justice jusqu'en janvier dernier, la prison ne s'est jamais aussi bien portée avec de
réguliers records de population carcérale.
En bref, je ne veux pas donner le sentiment de cracher sur la Police, loin de là. Mais nous sommes déjà dans une société où elle obtient de plus en plus de pouvoirs du fait du risque d'attentat. Or, comme chaque corps qui obtiendrait plus de pouvoirs, elle a tendance à en réclamer encore d'avantage, et il convient de se méfier de l'excès.