Et oui, c'est le cas de le dire, plus de 2 mois sans chapitres, j'ai "un peu" disparu de la circulation

Un peu démotivé pendant un temps peut être ? La flemme de la sortie des exams aussi, mais je suis bien décidé à m'y remettre et à poursuivre parce que clairement, c'est un vrai plaisir d'écrire cette histoire et je ne vois aucune raison de le bouder !
Je m'excuses en tout cas de l'attente pour ceux qui me lisent, et les remercies d'avance s'ils continuent de le faire. Donc bon chapitre (je l'espère) et à la prochaine, plus rapidement cette fois c'est promis juré

Chapitre 14 : Le point de non retour
Précédemment !
Danmarine et son équipe, retranchés dans un minuscule village isolé, sont forcés de prendre la fuite lorsque le Général Satsu et ses hommes débarquent soudainement, probablement animés par des intentions bien loin d'être amicales. Séparés de Ranfu et Dodoria resté sur place pour distraire Satsu, Danmarine, Rubi et Zora font actuellement route vers le dôme pour mener à bien leur mission, transportés clandestinement par un marchand de passage.
Sur le vaisseau de Kota, le Général Byona, en réalité infiltré à bord, a finalement obtenu les preuves suffisantes pour faire inculper le Grand Commandant, et a découvert la véritable nature de ses plans machiavélique. Malheureusement pour lui, la résistance dont Kota fait preuve face à la justice le contraint à se rendre.
«Haha ! Ça va, je me rend» ria inexplicablement le jeune Général, pour le plus grand soulagement des hommes ici présents.
«Ne serrez pas trop les menottes s'il vous plaît. C'est inutile, après tout je ne suis qu'un simple espion»
L'entendre dire ça avec un rayonnant sourire sur les lèvres souleva le cœur de Fox. Il était lui aussi un «simple espion» perdu au milieu de tous ces monstres, il pouvait le comprendre mieux que quiconque. Comment pouvait-il le laisser ainsi dans le pétrin ? C'était décidé ! Il ne le ferait pas maintenant, peut être ne le ferait-il même pas aujourd'hui, mais c'était décidé ! Il devait lui venir en aide coûte que coûte !
Zarbon et son frère Mélo - ce dernier prenant une pause "bien méritée" dans une taverne alors que l'état d'urgence est déclaré - se trouvent à l'abri sous le dôme protecteur de la ville, lorsqu'un mystérieux individu surgit de nul part...
«Qui es-tu ? Que nous veux-tu étranger ?» s'énerva soudainement Zarbon qui n'avait pas l'air d'apprécier les manières de ce nouvel invité.
-Ne soyez pas si rigide, Shinju* chan ! N'avions nous pas conclu de nous retrouver aujourd'hui pour discuter de nos «accords»
Zarbon était stupéfait, et Mélo l'aurait sûrement été lui aussi s'il n'avait pas été autant imbibé d'alcool. Il paraissait inconcevable qu'un homme de Freeza ait pu pénétrer ainsi dans la ville fortifiée sans alerter la garde ni même se faire remarquer. L'extravagant contact que devait rencontrer le prince continua de longer le comptoir jusqu'à lui, et se laissa glisser, posant ses fesses juste devant Zarbon.
-Mais de quelle impolitesse fais-je preuve, je ne me suis pas présenté !
Sans la moindre once d'hésitation, il se saisit de la choppe de bière que venait de se faire servir Mélo, et l'ingurgita d'un trait, avant de la reposer violemment devant son propriétaire, et d'essuyer précautionneusement avec ses longues griffes la mousse qui lui dessinait une immonde barbe jaunâtre sur le visage.
-Mon nom est Pierrot Von Circus, enchanté !
Au même moment, sur Freeza 79, alors que Kiwi et les autres reprennent déjà le cours de leur vie écolière après l'attentat ayant frappé l'académie, Naeko est inquiet de connaitre les représailles menaçant son père pour ses propres actes, celui-ci étant apparemment de mèche avec Sorbet et Kota au sein d'une affaire à la fois sombre, et sans précédents !
«Je ne tolérerai aucune interférence ! Tagoma ! Convoque immédiatement ce Kintogin ou je ne sais qui ! Si à cause de son misérable fils notre culpabilité éclate au grand jour, il le paiera de sa vie !»
* * *
Avec le vent et le chant des insectes nocturnes profitant de la pénombre et de la fraîcheur de la nuit pour sortir, le seul autre son audible dans la longue rue déserte du village enclavé était un soupir fatigué expulsant un nuage de fumée blanchâtre qui s'éleva lentement dans les airs avant de s'estomper.
Dans l'obscurité du désert, les pupilles d'un bleu glaciale du Général Satsu brillaient tels les yeux d'un prédateur sauvage. L' Hera-seijin se tenait seul non loin de l'auberge qu'avaient fuit Danmarine, Zōra et Rubī plusieurs heures auparavant, lorsqu'un homme en armure arriva vers lui en courant, sans doute afin de lui délivrer son rapport.
«Mon Général ! Aucun signe des fugitifs dans les environs ! Devons nous poursuivre notre investigation ?»
«Pas la peine...» répondit l'assassin qui tira une nouvelle latte sur le luxueux cigare qui fumait entre ses lèvres, livrés par colis depuis la planète Kabocha – très réputée pour la qualité de ses produits – et dont les braises illuminaient faiblement son visage d'une chaleureuse lueur à l'éclat vacillant.
«Si Danmarine sait qu'on le cherche, il n'a pas dû traîner dans le coin. Il est pas assez con pour ça.»
Le Général à la peau bleu joua un instant avec le pendentif qu'il cachait habituellement sous son armure, puis le laissa par dessus celle-ci, arborant le mystérieux bijoux aux reflets d'or comme s'il s'agissait pour lui du symbole de sa détermination.
«Je sais ou il va aller, j'ai pas de doute la dessus.» affirma-t-il avec assurance en laissant s'échapper un voile fumant par ses narines. «Rassemble nos hommes, on a plus rien à foutre ici.»
Le soldat acquiesça d'un ton hésitant, ne saisissant pas vraiment le sens du monologue de son Général, tandis que ce dernier s'éloignait déjà. Lorsqu'il réalisa que l'heure n'était pas à la réflexion, il s'activa à retrouver chacun des soldats éparpillés aux quatre coins du village.
-J'ai l'impression que la voie est libre...en avant, et ne nous fait pas repérer compris ?
Profitant du départ des derniers occupants de la ruelle, deux hommes encapuchonnés – l'un étant au moins trois fois plus repérable que l'autre – se faufilèrent en vitesse jusqu'au passage étroit adjacent au mur de l'auberge.
À l'intérieur, visage découvert, Ranfu observait la trace laissée là par Danmarine, au beau milieu du planché. Assis sur le rebord de la fenêtre, Dodoria, tout en se curant élégamment le nez de ses énormes doigts crochus, demanda à son lieutenant de lui déchiffrer ce qui pour lui n'était qu'un «charabia gribouillé par Danmarine».
«Ça n'a rien d'un charabia, Dodoria. C'est de l'Actinidia, la langue natale de Danmarine sama. Il me l'a enseignée afin que l'on puisse communiquer par code lui et moi. En dehors de nous deux, son frère, et deux autres Actinidia-seijin encore vivants, personne n'est capable de lire ce message.» révéla Ranfu en se redressant, avant d'enfiler de nouveau son capuchon.
«Et il m'indique précisément ou nous devons nous rendre, alors pas de temps à perdre !»
Déjà bien loin d'ici, cachés à l'intérieur d'une charrette transportant diverses marchandises allant de lots de draps blancs aux caisses de fruits et légumes frais, Danmarine, Rubī et Zōra profitaient du voyage pour prolonger encore un peu ce repos si brusquement interrompu. À ceci près bien sur que la présence de la jeune recrue ne permettait pas de reprendre ces «distractions» suggérées par la lieutenante.
Alors que la jeune rousse s'était endormie la tête sur l'épaule de son Général –épuisée elle aussi par les derniers événements et daignant enfin montrer des signes de fatigues malgré son caractère très fier – Zōra était assis sur le bord du véhicule, les jambes dans le vide, et le capuchon toujours sur la tête, au cas ou ils seraient suivis par les hommes de Satsu. Le Brench-seijin observait toujours sous l'éclat de la lune la montre à gousset qu'il avait acheté l'après-midi passée, le regard empli d'une sensible mélancolie. Assez pour intriguer son supérieur qui le questionna au sujet de l'objet, tout en veillant à ne pas trop élever la voix pour de pas réveiller l'endormie.
-C'est une nouvelle montre ? J'ignorais que tu les collectionnais.
-Vous l'avez remarqué ? Les mécanismes des montres me fascinent, il en existe autant de sorte qu'il y a de planètes, c'est pourquoi j'aimerai toute les découvrir. Et puisque mon anniversaire tombe justement demain, j'ai voulu me faire plaisir.
«Demain ? Pourquoi ne pas nous l'avoir dit plus tôt ? Je risque d'être pris de cours pour t'acheter quelque chose maintenant...» se plaignit le Général en croisant les bras.
«Comment ? Non, vous n'êtes pas obligé, je me sentirai gêné !» rétorqua le jeune Zōra, plus rouge encore qu'il ne l'était au naturel.
-Il n'y a pas de raison, nous sommes dans la même unité, pas vrai ? J'insiste, ça me fait plaisir, sincèrement. Et puis...Dodoria risque de me le reprocher si on ne t'offre rien, il est très protecteur avec toi.
«Vous le pensez ?» demanda-t-il surpris, et presque déstabilisé. Il ne le réalisait que maintenant, mais il était déjà très attaché à sa nouvelle famille.
Le véhicule poursuivait sa route dans cette atmosphère si paisible qu'il en deviendrait presque possible d'oublier la guerre faisant rage sur la planète en ce moment même. C'est sans doute pour cela que – le cœur léger et apaisé – Zōra se confia pour la première fois au Général, comme l'aurait fait un certain petit frère.
-Mon rêve...est de pouvoir un jour visiter chaque planètes, rencontrer chaque peuples. De pouvoir sentir toutes les odeurs, goûter toutes les saveurs, et toucher tout ce qui existe. Je ne suis pas fait pour la guerre, Danmarine sama. Je ne veux pas détruire les planètes que je visiterai, ni faire du mal aux peuples que je rencontrerai. Je veux pouvoir sentir autre chose que l'odeur du sang, goûter à des fruits exotiques plutôt qu'à l'amertume qui me reste en travers de la gorge après chaque batailles. C'est trop dur à supporter...Danmarine sama...je ne suis qu'un faible...
C'était plus fort que lui. Le jeune homme fondit en larmes devant son supérieur, honteux de craquer ainsi devant lui. Que penserait Dodoria s'il voyait ça ? Zōra n'avait pas pu s'empêcher de se livrer, mais il craignait d'être réprimandé par Danmarine, ce grand héros de guerre qui livrait bataille presque chaque jours depuis qu'il avait perdu son foyer. Il sentit la main du Général derrière sa tête. Une simple claque lui remettrait les idées en place, bien qu'il s'attendit à pire.
Mais pas même une claque ne fut donnée. Danmarine posa la tête de Zōra contre la sienne, front contre front. La recrue ne comprenait pas. Un pleutre comme lui méritait-il une telle empathie de la part d'un si grand chef de guerre ?
-Souffrir de la guerre ne fait pas de toi un faible, Zōra. Tu es simplement plus humain que je ne le suis aujourd'hui. J'ai déjà pleuré toutes les larmes de mon corps quand ma planète a succombé dans les cendres. Aujourd'hui, mes yeux sont aussi secs que ce désert.
Incapable de contenir le flot de larmes qui coulait depuis plus d'une minute, Zōra s'en voulait. Il ne voulait pas pleurer ainsi devant un homme qui avait tant souffert. Il n'en avait pas le droit, il pensait ne pas en avoir le droit.
-Toutes ces planètes...nous les visiterons ensemble le jour ou j'aurai terminé cette guerre. Je vous emmènerai, toi et mon frère. Si tu es prêt à m'attendre d'ici là, je ferai tout mon possible pour t'y aider, d'accord ?
Aucun mot ne pouvait sortir de la bouche du jeune homme, qu'il couvrait de ses deux mains couvertes de larmes. Le véhicule poursuivait bien sa route dans cette atmosphère paisible. Mais oublier la guerre semblait hors de propos. Et c'est sans doute pour cela que – le cœur meurtri et à jamais privé de son innocence – Zōra laissa tomber la garde devant le Général qui tentait de le réconforter au mieux.
-Je ne veux pas décevoir mon père...je ne veux pas vous décevoir...mais je...je ne peux pas continuer, Danmarine sama !
Moi non plus, pensa le Général intérieurement tout en serrant contre lui la recrue en proie au désespoir, fixant par l'ouverture arrière l'horizon qui s'éloignait d'eux, à moins que ce ne fut l'inverse. Mais il le devait, pour son frère, pour Zōra. Pour que la paix demeure, il devait mener l'empire à la victoire, coûte que coûte, et ce au prix de tous les sacrifices qui s'imposeraient à lui.
* * *
Dans une atmosphère de tension intenable, à l'intérieur de la taverne désormais vidée du flot d'ivrognes qui l'inondait tantôt, et dont la salle était tout juste faiblement éclairée par les flammes des quelques bougies toujours actives, les deux princes se tenaient face à l'inquiétant Général, dont le maquillage douteux et abondant n'inspirait guère confiance au raffiné Zarbon.
« Tu es...l'agent envoyé par Kota ? » interrogea bêtement le prince au front orné d'une perle, de manière purement rhétorique tant l'évidence de la réponse était flagrante.
-Bin-go ! Quelle perspicacité, Shinju chan ! Je ne m'étonne plus de voir «l'efficacité» de votre police désormais, héhéhéhéhé !
S'élevant d'un timide bond du sol jusqu'à la surface du comptoir qu'il effleura de la pointe des pieds, Pierrot entama un moonwalk – aussi réussi qu’inapproprié à la situation actuelle – tout en envoyant chaque verres et choppes de bière se briser contre le sol et sur les murs, projetant goûtes d'alcool et éclats de verre à proximité des deux princes, dont les visages transpiraient le malaise. Le clown se laissa retomber sur le sol une fois à l'autre bout du bar, clamant avec tout le burlesque qu'on lui connaissait : « It's show time ! »
-En effet, Kota san m'a envoyé ici afin de vous communiquer la suite des opérations, chers alliés ! Je vous prierai donc d'ouvrir bien grand vos esgourdes et de m'écouter attentivement, mes petits princes !
D'un grand calme, et sur un ton empli de sérénité, Zarbon prévint le messager de leur « montrer le respect qui leur est du » avant de se ruer sur lui d'une célérité telle qu'on l'eut cru disparu un instant, afin de lui porter un coup assez puissant pour démontrer toute la grandeur d'un prince de Pomélo. Lorsque Zarbon senti derrière sa tête se poser un long cylindre alors que sa cible venait de s'évaporer devant ses yeux, un long filet de sueur s'écoula sur son front.
-BANG !
Au bruit de cette détonation, Zarbon se laissa tomber à terre, tandis que Mélo manqua de glisser du tabouret qu'il n'avait toujours pas quitté.
En entendant le rire strident et malsain du Général, Zarbon se tourna vers lui – suite à sa tentative d'esquive – et le vit pointer un doigt en guise de canon, et un sourire moqueur à glacer d'effroi.
-Allons allons, Shinju chan ! Je n'allais tout de même pas tuer mon précieux allié alors que celui-ci a simplement voulu me faire une farce en me lançant une attaque aussi faible et ridiculement lente ! Hahahahahahaha !
La terreur et la colère s'entremêlaient d'une étrange manière dans l'esprit de Zarbon, qui faisait face pour la toute première fois à un homme qui ne lui donnait pas le sentiment d'être supérieur. Pierrot stoppa soudainement son rire – preuve suffisante que toutes émotions émanant de cet homme était bien factice – et lança un regard aussi sombre que railleur, et s'adressa au prince avec toute la désinvolture dont il était possible de faire preuve.
-Je vous en prie mon prince, relevez vous donc ! Vous avez l'air si pitoyable à trembler ainsi sur le sol...
Zarbon se releva avec un soupçon d'hésitation, craignant l'éventualité d'une attaque fourbe. Il ne lâcha pas l'agent de Kota des yeux, même lorsqu'il tira une chaise à la table contre laquelle il s'était appuyé pour se redresser, et y prit place en invitant les autres à faire de même.
Il suffisait d'observer la tenue de chacun des participants à cette petite réunion pour saisir leur état d'esprit.
Zarbon se tenait droit, raidi par l'anxiété, les mains croisées, les pupilles vacillantes, et les tempes humides.
Mélo était avachi sur sa chaise, croisant les bras pour sa part, malgré l'inconfort que lui procurait son armure d'or. Tapotant des doigts sur les brassards de son armure, il roulait les yeux de droite à gauche, observant tour à tour l'attitude de ses voisins de table.
Pierrot, quant à lui, laissait reposer ses deux pieds croisés sur la table tout en faisant craqueler ses ongles comme à l'accoutumé, surplombant ainsi le silence d'un fond sonore des plus désagréable.
Ce fut au prince cadet de signifier officiellement l'ouverture de cette table ronde.
-Les hostilités avec les hommes de Freeza s'éternisent depuis maintenant plusieurs semaines sans que Kota ne daigne nous envoyer les renforts promis. Doit-on comprendre que votre parole ne vaut guère mieux que celle de Freeza ?
-Vous auriez tord de douter de Kota san. Je crains malheureusement que ça ne soit pas réciproque dans votre cas.
-Que dîtes vous ?!
«Nous vous avions chargés d'une seule et unique mission en vous demandant d'éliminer ce gêneur, et pourtant vous êtes parvenus à échouer lamentablement !» ricana le clown qui masquait probablement son insatisfaction derrière ce masque de fausses émotions. «C'est peut être nous qui devrions remettre en doute notre alliance, vous ne croyez pas ? Mais je ne suis pas ici pour ça, je ne fais que vous livrer des instructions. »
Au pied du mur, et réalisant que l'ascendant dans cette alliance n'était pas de leur côté, eux qui dépendaient de Kota pour s'opposer à Freeza, Zarbon laissa poursuivre Pierrot sans rien dire, sous le regard passablement choqué de son frère qui n'avait pas l'habitude de le voir en position de faiblesse.
-Ni Freeza sama ni les hautes sphères de l'empire ne suivent de près l'invasion de cette planète. En réalité, il n'existe que deux obstacles aux machinations de Kota san. L'un d'eux s'est vu octroyer le titre de Commandant alors qu'il ne joue dans cette guerre rien de plus que le rôle d'artificier, jouant au tir au canard avec son énorme canon qu'il pointe allègrement sur tout ce qui bouge. Avec ce genre d'hommes, il ne faut guère plus que quelques menaces bien dosées pour, à défaut de s'attirer leur loyauté, dans le cas échéant s'assurer qu'ils ne fourreront pas leur nez dans vos affaires. Quant aux simples soldats, ils sont bien trop ignares pour se demander d’où viennent les ordres qu'ils reçoivent. Si leur supérieur leur demande de tirer, ils tirent. S'il leur demande de cesser le feu, ils se feront un plaisir de poser leur cul sur une chaise en attendant la prime de noël. C'est aussi simple que ça. En revanche, c'est bien plus difficile quand l'obstacle s'avère être aussi loyal que vaillant.
-Et cet «obstacle» n'est autre que l'homme que vous nous avez demandé d'abattre à son arrivé sur Pomélo, c'est exacte ?
-Bin-go ! Ce même obstacle que vous n'avez pas été fichus d’éliminer alors même que vous nous avions communiqué les coordonnés de son atterrissage ! Et figurez vous qu'il s'agit d'un Général des armées de Freeza ! C'est pour cette bête raison que nous ne pouvions nous en débarrasser nous même, afin d'éviter les vagues que cela causerait. MAIS ! Grâce à votre formidable incompétence, Kota san a dû se résoudre à envoyer l'un de ses propres Généraux pour l'éliminer ! Et le plus amusant voyez vous, c'est qu'ils sont tout deux en route pour cette ville !
Pris de stupéfaction, Mélo se redressa soudain sur sa chaise et claqua ses mains sur la surface boisée de la table qui craquela sous sa force.
-Ce Général, ce ne serait pas...ce Diamirane ?
-Ohoh ? Vous avez rencontré Danmarine san ? Oui, c'est bien lui qui est encore le seul à pouvoir s'opposer à Kota, et il se dirige vers votre belle ville afin d'accomplir sa mission qui est de mener à bien son siège, ça ne fait aucun doute. Et même si je ne parierai pas sur les compétences de Satsu san, il reste un Général, je présume donc qu'il viendra chercher Danmarine san ici. Si cette ville doit devenir le théâtre d'un affrontement de Généraux, alors vous feriez mieux de faire évacuer sur le champ.
-Alors vous comptez lui tendre un piège ? Ce type, je le connais pas vraiment, mais je sais qu'il est honorable ! Pas la peine d'en arriver là, laissez moi l'affronter d'homme à homme !
-Mélo ! Arrêtes de faire passer ta passion du combat avant le reste ! Il est un sbire de Freeza avant tout, il ne mérite pas de traitement de faveur.
-Votre petit frère a raison, Prince san ! Qui plus est, c'est bien parce qu'il est un homme d'honneur qu'il nous pose des soucis. Mais rassurez vous, je suis certain que Satsu san l'affrontera dans les règles de l'art ! Avant de le tuer comme un chien, bien sur.
Deux...non, plus...peut être bien trois minutes entières – et entièrement rythmées par un silence pesant – s'installèrent à nouveau dans l'établissement. Alors que Mélo, grinçant des dents et transpirant à grosses goûtes, fixait l'imperturbable Général qui attendait paisiblement une réponse sans même faire fi du temps qui s'écoulait, non pas grain par grain, mais bien pognée par poignée de sable en cette situation désastreuse ; Zarbon maintenait les yeux fermés et le visage impassible.
Deux...non, pas plus. Seulement deux mots furent prononcés par le jeune prince cadet lorsqu'il ouvrit de nouveau ses paupières naturellement bleutées : Marché Conclu.
«Voilà qui est fait ! Splendide décision, Shinju chan !» s'exclama alors l'homme aux cheveux verts forêt, alors que les sentiments du prince paré d'or étaient quant à eux plus mitigés.
-Zarbon ! Tu vas simplement accepter de retirer nos troupes et de forcer nos sujets à quitter leur foyer parce que ce type te l'a demandé ?! Tu poignarderais ce Général dans le dos après ce qu'il a fait pour limiter nos pertes ? Ou est passée ta fierté de prince de Pomélo ? Réponds moi, Zarbon !
Ramené en avant d'un geste sec et franc, tiré par le col de son armure vers son frère, Mélo vit un regard qu'il n'avait pas souvent pu apercevoir. L'avait-il même déjà aperçu ? Ce regard désemparé et perdu, empli de rage et bien loin de la noble nonchalance qui caractérisait Zarbon ?
-J'agis justement en tant que prince, Mélo ! C'est pour protéger mon peuple que je fais ça ! Qu'importe si ce type est un homme d'honneur ou non ! Je n'aurai aucun remord à laisser crever un chien de Freeza ! C'est toi qui oublies tes responsabilités, alors reprends toi !
Les bras à moitié redressés, et prêts à repousser Zarbon, de belles paroles en tête à lui jeter à la figure en guise de premier coup, Mélo, dans la plus grande simplicité, à l'inverse de son image de souverain exubérant, baissa simplement les bras, littéralement comme métaphoriquement. Il n'avait pas de raison de répondre. Il avait tord, mieux valait l'admettre.
-Dis à tes hommes de mettre en place la procédure d'évacuation d'urgence, Mélo. Guidez tous le monde jusqu'au souterrain qui mène en dehors de la ville, et faites aussi vite que possible.
Le prince en armure quitta lentement la petite taverne en silence. Plus étonnant encore – et à en juger par sa démarche – il ne semblait plus ressentir les effets de l'alcool, comme si cette conversation avait eu sur lui le même effet que ces remèdes miracles contre la gueule de bois qu'il ingurgitait étant jeune pour cacher à son défunt père le roi les beuveries ou il se rendait très souvent la nuit, sans grand succès.
Pour le prince guerrier, il n'existait plus grand déshonneur que d'abattre un valeureux combattant si lâchement. Mais devant la gravité de la situation, et surtout se sachant bien tenu en laisse par Kota sans qui ils n'avaient pas la moindre chance contre Freeza, les vieilles valeurs ancestrales du royaume n'avaient que peu de poids.
Dehors, devant ses troupes personnelles, Mélo se tenait sous la lumière de la lune de Pomélo qui se reflétait dans son armure. Même sachant qu'ils attendaient ses instructions en le fixant ainsi avec ces yeux crédules, le prince leva les yeux au ciel, observant le plafond stellaire de sa belle planète, orné ce soir là d'une deuxième lune, plus basse, plus petite, et à bord de laquelle le maître pantin tirait les ficelles de son petit théâtre à l'aide de ses nombreuses tentacules.
À ce rythme, une telle fuite des conduites de circulation d'eau mettrait à sec les réservoirs du vaisseau amiral de la flotte de Kota. Mais ce n'était guère le souci de Byōna, pour qui au contraire cette fuite était une aubaine inespérée. Quelle meilleure manière d'éviter l'ennui lorsqu'on est enfermé dans une cellule que de compter le gouttes une journée durant ?
C'était sans compter sur le plombier de bord, bien décidé à réparer la problématique fuite d'eau.
Et le tour était joué, trois tours de clé anglaise suffirent à stopper l'écoulement. Bien moins distrayant à compter pour le prisonnier ceci dit. Enfin, c'était sans importance. Byōna n'aurait plus longtemps à attendre. Il savait qu'il pouvait compter sur «lui».
-Rōku san ? Rōku san, si vous êtes en état de comprendre mes mots, répondez moi vite s'il vous plaît.
1...2...3 minutes s'écoulèrent, sans qu'aucune réponse ne se fasse entendre de la part du voisin de cellule de l'espion.
-...Rōku san je vous en prie...je sais que vous m'entendez.
-...Qu'as tu fait pour mériter d'être enfermé là toi aussi...Byōna ?
-La même chose que vous, Rōku san. Je suis resté loyal.
Percevant le sérieux et la détermination dans la voix du jeune homme, le félin prêta soudainement attention à son confrère Général. Après quelques instants de doute, il signala son déplacement à Byōna en laissant s'entre-choquer entre eux les maillons des chaînes retenant attachés ses poignets. Rōku posa sa tête contre l'écran de flux bleu qui le retenait prisonniers en guise de barreaux.
-Que me veux tu ?
-Ce n'est pas une demande, mais plutôt une proposition que j'ai à vous faire, Rōku san. Il me faut un homme puissant, fidèle à Freeza sama, et surtout désireux de se venger de Kota. Et puisqu'il s'avère que vous correspondez à tous ces critères, je serai enclin à vous faire sortir d'ici à condition que vous m'accordiez votre aide.
Un nouveau moment d'hésitation, plus succin cette fois, certes, mais Rōku n'était pas du genre à accorder sa confiance à quelqu'un sans lui avoir fait passer un petit interrogatoire au préalable.
-Je n'aurai que deux questions. Tout d'abord, comment comptes tu nous faire sortir d'ici ?
-Ne vous inquiétez pas pour ce détail. Je me suis assuré d'avoir les bons alliés dans notre camp. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'on vienne nous sortir d'ici.
Le félin ne répondit pas. Byōna jugea par se silence que la réponse avait dû lui convenir. À moins que ça ne soit le contraire. Difficile de cerner l'insondable Général Rōku à vrai dire. Mais en l'absence de remarque, le jeune Général préféra supposer qu'il en avait fini avec la première question.
-Et...quelle est votre deuxième question ?
-....Jusqu'à quel point je peux me permettre de cuisiner ce sale poulpe ?
* * *
Bleu, vert, et violet. Aussi discrets que trois gyrophares se promenant dans les couloirs, Barta, Guldo et Kiwi – apparemment toujours séparés de leur quatrième ami batracien qui ne daignait pas revenir à l'école – sortaient de leur cours de « Pratique et fonctionnement des armes à flux ». Un cours bien dispensable pour ces trois jeunes prodiges dors et déjà capables de projeter leur flux sans l'aide de l'intermédiaire qu'est le canon à flux, équipant plus des trois quarts de l'armée impériale. Cependant, en plus d'être un cours obligatoire, il faisait office d'heure de sieste pour les trois garnements, et ce n'était sûrement pas pour leur déplaire.
Si le cours qu'ils quittaient leur manquerait, c'était surtout à cause de celui qui les attendait. « Histoire et héritage de la famille Cold ». Un cours bien moins reposant, mais selon les professeurs « indispensable à tout bon citoyens de l'empire ».
«...et le chapitre qu'on fait en ce moment est barbant ! Comment c'est déjà ? Sciences bioniques du terroir..quelque chose dans ce goût là ?» se plaignait Barta depuis apparemment plus de cinq minutes, si bien que Kiwi se voyait obligé d'y mettre un terme.
-C'est « Sciences politiques territoriales de Freeza sama ». Pas étonnant que t'aimes pas ce cours, j'ai l'impression que tu sais même pas de quoi ça parle ! Hahaha !
Devant la moquerie de son camarade, et les rires d'encouragements que lui prodiguait Guldo, Barta ne pût s'empêcher de rougir de honte en protestant qu'il le savait très bien, alors même qu'il était évident que non étant donné le plafond de 5 sur 20 qu'atteignaient ses notes.
Alors que les trois enfants riaient, Kiwi – qui essuyait une larme coulant de son œil droit tant son fou rire s'avérait incontrôlable – aperçu son ami blond vêtu de son éternel costume bleu. Lorsqu'il l'appela à pleins poumons, et le sourire jusqu'aux oreilles, le jeune Actinidia-seijin fut surpris de n'avoir en guise de réponse qu'un vague sourire en coin et un signe de la main. Et alors qu'il allait justement partir à sa rencontre, une voix au timbre distingué prit possession du grand hall – d'ailleurs toujours en travaux depuis l'incident étrangement tu par les médias – dans lequel les enfants venaient d'arriver pour se rendre à leur cours suivant.
-NAEKO !!!
Descendant l'escalier rouge central qui passait entre les fontaines du cœur du hall aux colonnades de l'académie, un noble vêtu d'une veste en queue de pie pourpre et d'un pantalon noir, arborant une chevelure courte de la même teinte que celle de Naeko se dirigeait justement vers ce dernier. Sans doute était-il celui qui venait de prononcer son nom. Le jeune fils de baron – jusqu'à maintenant adossé contre l'une des colonnes brunes aux courbes blanches dessinées – s'avança vers l'individu qui quant à lui marchait d'un pas rapide et nerveux, en parfaite adéquation avec son visage crispé de colère et trempé de sueur. À peine eut-il rejoint son père, que Naeko se retrouva projeté par une gifle magistrale, quelques mètres plus loin, laissant ses trois camarades sous le choc.
Le baron se dirigea à nouveau vers son fils qu'il releva par le col, et le secoua avec virulence.
-Espèce de petit imbécile ! Dire qu'un cloporte comme toi m'attire de tels ennuis ! Si à l'avenir tu ne te tiens pas tranquille, je ne te garantit pas d'être aussi gentil la prochaine fois !
Immédiatement après avoir fini de vanter son infini clémence, le baron Gintokin claqua de nouveau son héritier contre le carrelage, et martela son visage à coups de talonnette, quitte à tâcher de sang ses chaussures hors de prix.
« Laissez Naeko tranquille espèce de brute ! » s'écria le jeune frère de Danmarine qui se jeta à corps perdu sur l'agresseur de son ami, qui se retourna alors et jeta un regard noir à celui qui venait de l’interpeller en se demandant qui donc osait l'interrompre.
C'est alors que, sans qu'il ne puisse rien faire, Kiwi se retrouva lui aussi à terre, le nez en sang après le coup de poing qu'il venait de recevoir.
-Qu'est-ce qui te prend ?! Naeko !
Le jeune blondinet à la frimousse ensanglantée qui s'était vivement relevé et avait fondu sur son ami se tenait encore face à lui, le poing brandi, à bout de souffle, certainement des suites de la correction qu'il avait tout récemment reçu.
-Ne te mêles pas de ça...sale pauvre. Les histoires de familles nobles ne concernent pas le bas peuple. Et surtout...ne t'approche plus de moi, compris ?
La froideur que Naeko cumulait dans son regard et dans ses propos glaça Kiwi et ses deux comparses qui ne comprenaient guère cette réaction à vif.
-Père, rentrons.
Venant de retrousser sa manche à l'instant ou il avait entendu la voix de Kiwi afin de lui porter un coup, le père de Naeko se rétracta finalement en voyant que son fils s'en était chargé, et suivit le jeune garçon vers la sortie de du bâtiment académique, laissant là – figés telles trois statues de sel – les enfants choqués de la réaction de celui qu'ils pensaient être leur ami. Kiwi en était resté cloué au sol, essuyant au coin de ses narines le sang qu'avait fait couler son rival.
-Naeko...
Observant depuis sa haute tour le baron qui bousculait son fils avec hargne jusqu'à leur véhicule flottant piloté par un chauffeur personnel, Sorbet jouait avec sa bague, posté devant la grande baie vitrée de son bureau rouge sous le regard de son subordonné.
-Le message est passé j'espère ?
-Je me suis montré on ne peut plus clair, Sorbet sama. Ni lui ni son fils ne nous causeront de problèmes à l'avenir.
De lourds nuages couvraient le ciel rosâtre de Freeza 79, masquant le soleil sur le chemin conduisant Naeko à sa voiture. Des nuages aussi noirs que ceux qui s'amoncelaient au dessus de la planète Pomélo au même moment, bien loin d'ici, alors que l'aube éclairait le matin de ses premiers faibles rayons.
-Voilà le reste, comme promis.
Après avoir déposé dans la main de son sauveur la seconde moitié de la somme d'or promise pour le voyage, Danmarine regarda leur diligence de fortune s'éloigner aussitôt de l'endroit ou il avait déposé le trio. En hauteur, postés sur une colline surplombant le dôme protecteur orangé, le Général, la jeune femme rousse, et la recrue avaient enfin rejoint à nouveau leur objectif après de nombreuses péripéties.
Le crash de leur vaisseau, leur fuite face aux traqueurs que menait Gurē, la bataille pour protéger le canon, l'enlèvement de Dodoria, le combat qui l'avait opposé à Jatoron, jusqu'à leur évasion du village afin de semer Satsu et ses hommes. Danmarine, alors qu'il fixait sa cible d'un œil vif – ce dôme orange dont l'éclat se reflétait dans la pupille du chef militaire – se remémorait chacun des obstacles qu'il avait du braver pour arriver ici. Tirant sur son gant immaculé comme pour enfoncer sa main droite plus profondément encore à l'intérieur, celui que l'on surnommait le miraculé d'Actinidia s'adressa une ultime fois à son équipe.
-Cette fois, nous y sommes, le point de non retour. Si les princes et le gros des troupes de Pomélo se trouvent sous ce dôme, alors une fois désactivé, ils n'auront d'autre choix que de capituler. Mais une fois à l'intérieur, nous serons seuls face à eux. Ce qu'on a affronté jusqu'alors....Zōra, ça pourrait bien n'avoir été qu'une douce promenade. Tu penses être prêt ?
La réponse était bien évidemment non. Même une nuit passée à cogiter à bord de cette charrette – quand bien même les secousses l'auraient suffisamment bercer pour le plonger dans un profond sommeil méditatif – n'était pas suffisante pour que le garçon ne devienne un soldat aguerri et sûr de lui. Mais il connaissait l'importance de la mission, et tout ce qu'elle représentait pour son Général. Et surtout, il était bien conscient qu'il n'avait aucune autre option à portée de main pour pouvoir ensuite rentrer chez lui.
-Oui...Oui mon Général ! Je vous promet de faire de mon mieux !
« C'est clair que sans cape, tu parais moins sexy. Mais question discours, ça reste correcte. » piqua la jeune rousse, toujours aussi taquine avec le Général.
-J'avais d'autres priorités que de trouver une cape de remplacement !
« Mais tu ne chercherais même pas à contre-dire que tu es sexy avec une cape ? Quel vantard ! » lança-t-elle avant de s'approcher du bord de la falaise, scrutant la ville fortifiée d'un air nouvellement sérieux.
« Foncer tête baissée serait suicidaire, il va nous falloir un plan pour entrer discrètement et atteindre le générateur de bouclier sans attirer l'attention. Une idée en tête ? »
-Pour le moment nous allons devoir trouver un moyen de pénétrer ces défenses. Nous y réfléchirons une fois à l'intérieur. Ranfu et Dodoria nous rejoindrons ensuite, sans aucun doute. Tous le monde est prêt ?
Le trio maintenait le regard droit sur cet horizon couleur d'aube qui incarnait leur unique chance de victoire. Remporter cette bataille, laisser la guerre derrière soit, ou rentrer voir son frère en ayant le sentiment d'avoir fait avancer les choses. La finalité pouvait bien différer, la porte de sortie, elle, était un exemplaire unique. Rubī, Zōra et Danmarine s'apprêtaient à accomplir leur leur ultime mission sur Pomélo.
-Zōra...Rubī...allons-y !
À suivre !
Dans l'obscurité du désert, les pupilles d'un bleu glaciale du Général Satsu brillaient tels les yeux d'un prédateur sauvage. L' Hera-seijin se tenait seul non loin de l'auberge qu'avaient fuit Danmarine, Zōra et Rubī plusieurs heures auparavant, lorsqu'un homme en armure arriva vers lui en courant, sans doute afin de lui délivrer son rapport.
«Mon Général ! Aucun signe des fugitifs dans les environs ! Devons nous poursuivre notre investigation ?»
«Pas la peine...» répondit l'assassin qui tira une nouvelle latte sur le luxueux cigare qui fumait entre ses lèvres, livrés par colis depuis la planète Kabocha – très réputée pour la qualité de ses produits – et dont les braises illuminaient faiblement son visage d'une chaleureuse lueur à l'éclat vacillant.
«Si Danmarine sait qu'on le cherche, il n'a pas dû traîner dans le coin. Il est pas assez con pour ça.»
Le Général à la peau bleu joua un instant avec le pendentif qu'il cachait habituellement sous son armure, puis le laissa par dessus celle-ci, arborant le mystérieux bijoux aux reflets d'or comme s'il s'agissait pour lui du symbole de sa détermination.
«Je sais ou il va aller, j'ai pas de doute la dessus.» affirma-t-il avec assurance en laissant s'échapper un voile fumant par ses narines. «Rassemble nos hommes, on a plus rien à foutre ici.»
Le soldat acquiesça d'un ton hésitant, ne saisissant pas vraiment le sens du monologue de son Général, tandis que ce dernier s'éloignait déjà. Lorsqu'il réalisa que l'heure n'était pas à la réflexion, il s'activa à retrouver chacun des soldats éparpillés aux quatre coins du village.
-J'ai l'impression que la voie est libre...en avant, et ne nous fait pas repérer compris ?
Profitant du départ des derniers occupants de la ruelle, deux hommes encapuchonnés – l'un étant au moins trois fois plus repérable que l'autre – se faufilèrent en vitesse jusqu'au passage étroit adjacent au mur de l'auberge.
À l'intérieur, visage découvert, Ranfu observait la trace laissée là par Danmarine, au beau milieu du planché. Assis sur le rebord de la fenêtre, Dodoria, tout en se curant élégamment le nez de ses énormes doigts crochus, demanda à son lieutenant de lui déchiffrer ce qui pour lui n'était qu'un «charabia gribouillé par Danmarine».
«Ça n'a rien d'un charabia, Dodoria. C'est de l'Actinidia, la langue natale de Danmarine sama. Il me l'a enseignée afin que l'on puisse communiquer par code lui et moi. En dehors de nous deux, son frère, et deux autres Actinidia-seijin encore vivants, personne n'est capable de lire ce message.» révéla Ranfu en se redressant, avant d'enfiler de nouveau son capuchon.
«Et il m'indique précisément ou nous devons nous rendre, alors pas de temps à perdre !»
Déjà bien loin d'ici, cachés à l'intérieur d'une charrette transportant diverses marchandises allant de lots de draps blancs aux caisses de fruits et légumes frais, Danmarine, Rubī et Zōra profitaient du voyage pour prolonger encore un peu ce repos si brusquement interrompu. À ceci près bien sur que la présence de la jeune recrue ne permettait pas de reprendre ces «distractions» suggérées par la lieutenante.
Alors que la jeune rousse s'était endormie la tête sur l'épaule de son Général –épuisée elle aussi par les derniers événements et daignant enfin montrer des signes de fatigues malgré son caractère très fier – Zōra était assis sur le bord du véhicule, les jambes dans le vide, et le capuchon toujours sur la tête, au cas ou ils seraient suivis par les hommes de Satsu. Le Brench-seijin observait toujours sous l'éclat de la lune la montre à gousset qu'il avait acheté l'après-midi passée, le regard empli d'une sensible mélancolie. Assez pour intriguer son supérieur qui le questionna au sujet de l'objet, tout en veillant à ne pas trop élever la voix pour de pas réveiller l'endormie.
-C'est une nouvelle montre ? J'ignorais que tu les collectionnais.
-Vous l'avez remarqué ? Les mécanismes des montres me fascinent, il en existe autant de sorte qu'il y a de planètes, c'est pourquoi j'aimerai toute les découvrir. Et puisque mon anniversaire tombe justement demain, j'ai voulu me faire plaisir.
«Demain ? Pourquoi ne pas nous l'avoir dit plus tôt ? Je risque d'être pris de cours pour t'acheter quelque chose maintenant...» se plaignit le Général en croisant les bras.
«Comment ? Non, vous n'êtes pas obligé, je me sentirai gêné !» rétorqua le jeune Zōra, plus rouge encore qu'il ne l'était au naturel.
-Il n'y a pas de raison, nous sommes dans la même unité, pas vrai ? J'insiste, ça me fait plaisir, sincèrement. Et puis...Dodoria risque de me le reprocher si on ne t'offre rien, il est très protecteur avec toi.
«Vous le pensez ?» demanda-t-il surpris, et presque déstabilisé. Il ne le réalisait que maintenant, mais il était déjà très attaché à sa nouvelle famille.
Le véhicule poursuivait sa route dans cette atmosphère si paisible qu'il en deviendrait presque possible d'oublier la guerre faisant rage sur la planète en ce moment même. C'est sans doute pour cela que – le cœur léger et apaisé – Zōra se confia pour la première fois au Général, comme l'aurait fait un certain petit frère.
-Mon rêve...est de pouvoir un jour visiter chaque planètes, rencontrer chaque peuples. De pouvoir sentir toutes les odeurs, goûter toutes les saveurs, et toucher tout ce qui existe. Je ne suis pas fait pour la guerre, Danmarine sama. Je ne veux pas détruire les planètes que je visiterai, ni faire du mal aux peuples que je rencontrerai. Je veux pouvoir sentir autre chose que l'odeur du sang, goûter à des fruits exotiques plutôt qu'à l'amertume qui me reste en travers de la gorge après chaque batailles. C'est trop dur à supporter...Danmarine sama...je ne suis qu'un faible...
C'était plus fort que lui. Le jeune homme fondit en larmes devant son supérieur, honteux de craquer ainsi devant lui. Que penserait Dodoria s'il voyait ça ? Zōra n'avait pas pu s'empêcher de se livrer, mais il craignait d'être réprimandé par Danmarine, ce grand héros de guerre qui livrait bataille presque chaque jours depuis qu'il avait perdu son foyer. Il sentit la main du Général derrière sa tête. Une simple claque lui remettrait les idées en place, bien qu'il s'attendit à pire.
Mais pas même une claque ne fut donnée. Danmarine posa la tête de Zōra contre la sienne, front contre front. La recrue ne comprenait pas. Un pleutre comme lui méritait-il une telle empathie de la part d'un si grand chef de guerre ?
-Souffrir de la guerre ne fait pas de toi un faible, Zōra. Tu es simplement plus humain que je ne le suis aujourd'hui. J'ai déjà pleuré toutes les larmes de mon corps quand ma planète a succombé dans les cendres. Aujourd'hui, mes yeux sont aussi secs que ce désert.
Incapable de contenir le flot de larmes qui coulait depuis plus d'une minute, Zōra s'en voulait. Il ne voulait pas pleurer ainsi devant un homme qui avait tant souffert. Il n'en avait pas le droit, il pensait ne pas en avoir le droit.
-Toutes ces planètes...nous les visiterons ensemble le jour ou j'aurai terminé cette guerre. Je vous emmènerai, toi et mon frère. Si tu es prêt à m'attendre d'ici là, je ferai tout mon possible pour t'y aider, d'accord ?
Aucun mot ne pouvait sortir de la bouche du jeune homme, qu'il couvrait de ses deux mains couvertes de larmes. Le véhicule poursuivait bien sa route dans cette atmosphère paisible. Mais oublier la guerre semblait hors de propos. Et c'est sans doute pour cela que – le cœur meurtri et à jamais privé de son innocence – Zōra laissa tomber la garde devant le Général qui tentait de le réconforter au mieux.
-Je ne veux pas décevoir mon père...je ne veux pas vous décevoir...mais je...je ne peux pas continuer, Danmarine sama !
Moi non plus, pensa le Général intérieurement tout en serrant contre lui la recrue en proie au désespoir, fixant par l'ouverture arrière l'horizon qui s'éloignait d'eux, à moins que ce ne fut l'inverse. Mais il le devait, pour son frère, pour Zōra. Pour que la paix demeure, il devait mener l'empire à la victoire, coûte que coûte, et ce au prix de tous les sacrifices qui s'imposeraient à lui.
* * *
Dans une atmosphère de tension intenable, à l'intérieur de la taverne désormais vidée du flot d'ivrognes qui l'inondait tantôt, et dont la salle était tout juste faiblement éclairée par les flammes des quelques bougies toujours actives, les deux princes se tenaient face à l'inquiétant Général, dont le maquillage douteux et abondant n'inspirait guère confiance au raffiné Zarbon.
« Tu es...l'agent envoyé par Kota ? » interrogea bêtement le prince au front orné d'une perle, de manière purement rhétorique tant l'évidence de la réponse était flagrante.
-Bin-go ! Quelle perspicacité, Shinju chan ! Je ne m'étonne plus de voir «l'efficacité» de votre police désormais, héhéhéhéhé !
S'élevant d'un timide bond du sol jusqu'à la surface du comptoir qu'il effleura de la pointe des pieds, Pierrot entama un moonwalk – aussi réussi qu’inapproprié à la situation actuelle – tout en envoyant chaque verres et choppes de bière se briser contre le sol et sur les murs, projetant goûtes d'alcool et éclats de verre à proximité des deux princes, dont les visages transpiraient le malaise. Le clown se laissa retomber sur le sol une fois à l'autre bout du bar, clamant avec tout le burlesque qu'on lui connaissait : « It's show time ! »
-En effet, Kota san m'a envoyé ici afin de vous communiquer la suite des opérations, chers alliés ! Je vous prierai donc d'ouvrir bien grand vos esgourdes et de m'écouter attentivement, mes petits princes !
D'un grand calme, et sur un ton empli de sérénité, Zarbon prévint le messager de leur « montrer le respect qui leur est du » avant de se ruer sur lui d'une célérité telle qu'on l'eut cru disparu un instant, afin de lui porter un coup assez puissant pour démontrer toute la grandeur d'un prince de Pomélo. Lorsque Zarbon senti derrière sa tête se poser un long cylindre alors que sa cible venait de s'évaporer devant ses yeux, un long filet de sueur s'écoula sur son front.
-BANG !
Au bruit de cette détonation, Zarbon se laissa tomber à terre, tandis que Mélo manqua de glisser du tabouret qu'il n'avait toujours pas quitté.
En entendant le rire strident et malsain du Général, Zarbon se tourna vers lui – suite à sa tentative d'esquive – et le vit pointer un doigt en guise de canon, et un sourire moqueur à glacer d'effroi.
-Allons allons, Shinju chan ! Je n'allais tout de même pas tuer mon précieux allié alors que celui-ci a simplement voulu me faire une farce en me lançant une attaque aussi faible et ridiculement lente ! Hahahahahahaha !
La terreur et la colère s'entremêlaient d'une étrange manière dans l'esprit de Zarbon, qui faisait face pour la toute première fois à un homme qui ne lui donnait pas le sentiment d'être supérieur. Pierrot stoppa soudainement son rire – preuve suffisante que toutes émotions émanant de cet homme était bien factice – et lança un regard aussi sombre que railleur, et s'adressa au prince avec toute la désinvolture dont il était possible de faire preuve.
-Je vous en prie mon prince, relevez vous donc ! Vous avez l'air si pitoyable à trembler ainsi sur le sol...
Zarbon se releva avec un soupçon d'hésitation, craignant l'éventualité d'une attaque fourbe. Il ne lâcha pas l'agent de Kota des yeux, même lorsqu'il tira une chaise à la table contre laquelle il s'était appuyé pour se redresser, et y prit place en invitant les autres à faire de même.
Il suffisait d'observer la tenue de chacun des participants à cette petite réunion pour saisir leur état d'esprit.
Zarbon se tenait droit, raidi par l'anxiété, les mains croisées, les pupilles vacillantes, et les tempes humides.
Mélo était avachi sur sa chaise, croisant les bras pour sa part, malgré l'inconfort que lui procurait son armure d'or. Tapotant des doigts sur les brassards de son armure, il roulait les yeux de droite à gauche, observant tour à tour l'attitude de ses voisins de table.
Pierrot, quant à lui, laissait reposer ses deux pieds croisés sur la table tout en faisant craqueler ses ongles comme à l'accoutumé, surplombant ainsi le silence d'un fond sonore des plus désagréable.
Ce fut au prince cadet de signifier officiellement l'ouverture de cette table ronde.
-Les hostilités avec les hommes de Freeza s'éternisent depuis maintenant plusieurs semaines sans que Kota ne daigne nous envoyer les renforts promis. Doit-on comprendre que votre parole ne vaut guère mieux que celle de Freeza ?
-Vous auriez tord de douter de Kota san. Je crains malheureusement que ça ne soit pas réciproque dans votre cas.
-Que dîtes vous ?!
«Nous vous avions chargés d'une seule et unique mission en vous demandant d'éliminer ce gêneur, et pourtant vous êtes parvenus à échouer lamentablement !» ricana le clown qui masquait probablement son insatisfaction derrière ce masque de fausses émotions. «C'est peut être nous qui devrions remettre en doute notre alliance, vous ne croyez pas ? Mais je ne suis pas ici pour ça, je ne fais que vous livrer des instructions. »
Au pied du mur, et réalisant que l'ascendant dans cette alliance n'était pas de leur côté, eux qui dépendaient de Kota pour s'opposer à Freeza, Zarbon laissa poursuivre Pierrot sans rien dire, sous le regard passablement choqué de son frère qui n'avait pas l'habitude de le voir en position de faiblesse.
-Ni Freeza sama ni les hautes sphères de l'empire ne suivent de près l'invasion de cette planète. En réalité, il n'existe que deux obstacles aux machinations de Kota san. L'un d'eux s'est vu octroyer le titre de Commandant alors qu'il ne joue dans cette guerre rien de plus que le rôle d'artificier, jouant au tir au canard avec son énorme canon qu'il pointe allègrement sur tout ce qui bouge. Avec ce genre d'hommes, il ne faut guère plus que quelques menaces bien dosées pour, à défaut de s'attirer leur loyauté, dans le cas échéant s'assurer qu'ils ne fourreront pas leur nez dans vos affaires. Quant aux simples soldats, ils sont bien trop ignares pour se demander d’où viennent les ordres qu'ils reçoivent. Si leur supérieur leur demande de tirer, ils tirent. S'il leur demande de cesser le feu, ils se feront un plaisir de poser leur cul sur une chaise en attendant la prime de noël. C'est aussi simple que ça. En revanche, c'est bien plus difficile quand l'obstacle s'avère être aussi loyal que vaillant.
-Et cet «obstacle» n'est autre que l'homme que vous nous avez demandé d'abattre à son arrivé sur Pomélo, c'est exacte ?
-Bin-go ! Ce même obstacle que vous n'avez pas été fichus d’éliminer alors même que vous nous avions communiqué les coordonnés de son atterrissage ! Et figurez vous qu'il s'agit d'un Général des armées de Freeza ! C'est pour cette bête raison que nous ne pouvions nous en débarrasser nous même, afin d'éviter les vagues que cela causerait. MAIS ! Grâce à votre formidable incompétence, Kota san a dû se résoudre à envoyer l'un de ses propres Généraux pour l'éliminer ! Et le plus amusant voyez vous, c'est qu'ils sont tout deux en route pour cette ville !
Pris de stupéfaction, Mélo se redressa soudain sur sa chaise et claqua ses mains sur la surface boisée de la table qui craquela sous sa force.
-Ce Général, ce ne serait pas...ce Diamirane ?
-Ohoh ? Vous avez rencontré Danmarine san ? Oui, c'est bien lui qui est encore le seul à pouvoir s'opposer à Kota, et il se dirige vers votre belle ville afin d'accomplir sa mission qui est de mener à bien son siège, ça ne fait aucun doute. Et même si je ne parierai pas sur les compétences de Satsu san, il reste un Général, je présume donc qu'il viendra chercher Danmarine san ici. Si cette ville doit devenir le théâtre d'un affrontement de Généraux, alors vous feriez mieux de faire évacuer sur le champ.
-Alors vous comptez lui tendre un piège ? Ce type, je le connais pas vraiment, mais je sais qu'il est honorable ! Pas la peine d'en arriver là, laissez moi l'affronter d'homme à homme !
-Mélo ! Arrêtes de faire passer ta passion du combat avant le reste ! Il est un sbire de Freeza avant tout, il ne mérite pas de traitement de faveur.
-Votre petit frère a raison, Prince san ! Qui plus est, c'est bien parce qu'il est un homme d'honneur qu'il nous pose des soucis. Mais rassurez vous, je suis certain que Satsu san l'affrontera dans les règles de l'art ! Avant de le tuer comme un chien, bien sur.
Deux...non, plus...peut être bien trois minutes entières – et entièrement rythmées par un silence pesant – s'installèrent à nouveau dans l'établissement. Alors que Mélo, grinçant des dents et transpirant à grosses goûtes, fixait l'imperturbable Général qui attendait paisiblement une réponse sans même faire fi du temps qui s'écoulait, non pas grain par grain, mais bien pognée par poignée de sable en cette situation désastreuse ; Zarbon maintenait les yeux fermés et le visage impassible.
Deux...non, pas plus. Seulement deux mots furent prononcés par le jeune prince cadet lorsqu'il ouvrit de nouveau ses paupières naturellement bleutées : Marché Conclu.
«Voilà qui est fait ! Splendide décision, Shinju chan !» s'exclama alors l'homme aux cheveux verts forêt, alors que les sentiments du prince paré d'or étaient quant à eux plus mitigés.
-Zarbon ! Tu vas simplement accepter de retirer nos troupes et de forcer nos sujets à quitter leur foyer parce que ce type te l'a demandé ?! Tu poignarderais ce Général dans le dos après ce qu'il a fait pour limiter nos pertes ? Ou est passée ta fierté de prince de Pomélo ? Réponds moi, Zarbon !
Ramené en avant d'un geste sec et franc, tiré par le col de son armure vers son frère, Mélo vit un regard qu'il n'avait pas souvent pu apercevoir. L'avait-il même déjà aperçu ? Ce regard désemparé et perdu, empli de rage et bien loin de la noble nonchalance qui caractérisait Zarbon ?
-J'agis justement en tant que prince, Mélo ! C'est pour protéger mon peuple que je fais ça ! Qu'importe si ce type est un homme d'honneur ou non ! Je n'aurai aucun remord à laisser crever un chien de Freeza ! C'est toi qui oublies tes responsabilités, alors reprends toi !
Les bras à moitié redressés, et prêts à repousser Zarbon, de belles paroles en tête à lui jeter à la figure en guise de premier coup, Mélo, dans la plus grande simplicité, à l'inverse de son image de souverain exubérant, baissa simplement les bras, littéralement comme métaphoriquement. Il n'avait pas de raison de répondre. Il avait tord, mieux valait l'admettre.
-Dis à tes hommes de mettre en place la procédure d'évacuation d'urgence, Mélo. Guidez tous le monde jusqu'au souterrain qui mène en dehors de la ville, et faites aussi vite que possible.
Le prince en armure quitta lentement la petite taverne en silence. Plus étonnant encore – et à en juger par sa démarche – il ne semblait plus ressentir les effets de l'alcool, comme si cette conversation avait eu sur lui le même effet que ces remèdes miracles contre la gueule de bois qu'il ingurgitait étant jeune pour cacher à son défunt père le roi les beuveries ou il se rendait très souvent la nuit, sans grand succès.
Pour le prince guerrier, il n'existait plus grand déshonneur que d'abattre un valeureux combattant si lâchement. Mais devant la gravité de la situation, et surtout se sachant bien tenu en laisse par Kota sans qui ils n'avaient pas la moindre chance contre Freeza, les vieilles valeurs ancestrales du royaume n'avaient que peu de poids.
Dehors, devant ses troupes personnelles, Mélo se tenait sous la lumière de la lune de Pomélo qui se reflétait dans son armure. Même sachant qu'ils attendaient ses instructions en le fixant ainsi avec ces yeux crédules, le prince leva les yeux au ciel, observant le plafond stellaire de sa belle planète, orné ce soir là d'une deuxième lune, plus basse, plus petite, et à bord de laquelle le maître pantin tirait les ficelles de son petit théâtre à l'aide de ses nombreuses tentacules.
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À ce rythme, une telle fuite des conduites de circulation d'eau mettrait à sec les réservoirs du vaisseau amiral de la flotte de Kota. Mais ce n'était guère le souci de Byōna, pour qui au contraire cette fuite était une aubaine inespérée. Quelle meilleure manière d'éviter l'ennui lorsqu'on est enfermé dans une cellule que de compter le gouttes une journée durant ?
C'était sans compter sur le plombier de bord, bien décidé à réparer la problématique fuite d'eau.
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Et le tour était joué, trois tours de clé anglaise suffirent à stopper l'écoulement. Bien moins distrayant à compter pour le prisonnier ceci dit. Enfin, c'était sans importance. Byōna n'aurait plus longtemps à attendre. Il savait qu'il pouvait compter sur «lui».
-Rōku san ? Rōku san, si vous êtes en état de comprendre mes mots, répondez moi vite s'il vous plaît.
1...2...3 minutes s'écoulèrent, sans qu'aucune réponse ne se fasse entendre de la part du voisin de cellule de l'espion.
-...Rōku san je vous en prie...je sais que vous m'entendez.
-...Qu'as tu fait pour mériter d'être enfermé là toi aussi...Byōna ?
-La même chose que vous, Rōku san. Je suis resté loyal.
Percevant le sérieux et la détermination dans la voix du jeune homme, le félin prêta soudainement attention à son confrère Général. Après quelques instants de doute, il signala son déplacement à Byōna en laissant s'entre-choquer entre eux les maillons des chaînes retenant attachés ses poignets. Rōku posa sa tête contre l'écran de flux bleu qui le retenait prisonniers en guise de barreaux.
-Que me veux tu ?
-Ce n'est pas une demande, mais plutôt une proposition que j'ai à vous faire, Rōku san. Il me faut un homme puissant, fidèle à Freeza sama, et surtout désireux de se venger de Kota. Et puisqu'il s'avère que vous correspondez à tous ces critères, je serai enclin à vous faire sortir d'ici à condition que vous m'accordiez votre aide.
Un nouveau moment d'hésitation, plus succin cette fois, certes, mais Rōku n'était pas du genre à accorder sa confiance à quelqu'un sans lui avoir fait passer un petit interrogatoire au préalable.
-Je n'aurai que deux questions. Tout d'abord, comment comptes tu nous faire sortir d'ici ?
-Ne vous inquiétez pas pour ce détail. Je me suis assuré d'avoir les bons alliés dans notre camp. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'on vienne nous sortir d'ici.
Le félin ne répondit pas. Byōna jugea par se silence que la réponse avait dû lui convenir. À moins que ça ne soit le contraire. Difficile de cerner l'insondable Général Rōku à vrai dire. Mais en l'absence de remarque, le jeune Général préféra supposer qu'il en avait fini avec la première question.
-Et...quelle est votre deuxième question ?
-....Jusqu'à quel point je peux me permettre de cuisiner ce sale poulpe ?
* * *
Bleu, vert, et violet. Aussi discrets que trois gyrophares se promenant dans les couloirs, Barta, Guldo et Kiwi – apparemment toujours séparés de leur quatrième ami batracien qui ne daignait pas revenir à l'école – sortaient de leur cours de « Pratique et fonctionnement des armes à flux ». Un cours bien dispensable pour ces trois jeunes prodiges dors et déjà capables de projeter leur flux sans l'aide de l'intermédiaire qu'est le canon à flux, équipant plus des trois quarts de l'armée impériale. Cependant, en plus d'être un cours obligatoire, il faisait office d'heure de sieste pour les trois garnements, et ce n'était sûrement pas pour leur déplaire.
Si le cours qu'ils quittaient leur manquerait, c'était surtout à cause de celui qui les attendait. « Histoire et héritage de la famille Cold ». Un cours bien moins reposant, mais selon les professeurs « indispensable à tout bon citoyens de l'empire ».
«...et le chapitre qu'on fait en ce moment est barbant ! Comment c'est déjà ? Sciences bioniques du terroir..quelque chose dans ce goût là ?» se plaignait Barta depuis apparemment plus de cinq minutes, si bien que Kiwi se voyait obligé d'y mettre un terme.
-C'est « Sciences politiques territoriales de Freeza sama ». Pas étonnant que t'aimes pas ce cours, j'ai l'impression que tu sais même pas de quoi ça parle ! Hahaha !
Devant la moquerie de son camarade, et les rires d'encouragements que lui prodiguait Guldo, Barta ne pût s'empêcher de rougir de honte en protestant qu'il le savait très bien, alors même qu'il était évident que non étant donné le plafond de 5 sur 20 qu'atteignaient ses notes.
Alors que les trois enfants riaient, Kiwi – qui essuyait une larme coulant de son œil droit tant son fou rire s'avérait incontrôlable – aperçu son ami blond vêtu de son éternel costume bleu. Lorsqu'il l'appela à pleins poumons, et le sourire jusqu'aux oreilles, le jeune Actinidia-seijin fut surpris de n'avoir en guise de réponse qu'un vague sourire en coin et un signe de la main. Et alors qu'il allait justement partir à sa rencontre, une voix au timbre distingué prit possession du grand hall – d'ailleurs toujours en travaux depuis l'incident étrangement tu par les médias – dans lequel les enfants venaient d'arriver pour se rendre à leur cours suivant.
-NAEKO !!!
Descendant l'escalier rouge central qui passait entre les fontaines du cœur du hall aux colonnades de l'académie, un noble vêtu d'une veste en queue de pie pourpre et d'un pantalon noir, arborant une chevelure courte de la même teinte que celle de Naeko se dirigeait justement vers ce dernier. Sans doute était-il celui qui venait de prononcer son nom. Le jeune fils de baron – jusqu'à maintenant adossé contre l'une des colonnes brunes aux courbes blanches dessinées – s'avança vers l'individu qui quant à lui marchait d'un pas rapide et nerveux, en parfaite adéquation avec son visage crispé de colère et trempé de sueur. À peine eut-il rejoint son père, que Naeko se retrouva projeté par une gifle magistrale, quelques mètres plus loin, laissant ses trois camarades sous le choc.
Le baron se dirigea à nouveau vers son fils qu'il releva par le col, et le secoua avec virulence.
-Espèce de petit imbécile ! Dire qu'un cloporte comme toi m'attire de tels ennuis ! Si à l'avenir tu ne te tiens pas tranquille, je ne te garantit pas d'être aussi gentil la prochaine fois !
Immédiatement après avoir fini de vanter son infini clémence, le baron Gintokin claqua de nouveau son héritier contre le carrelage, et martela son visage à coups de talonnette, quitte à tâcher de sang ses chaussures hors de prix.
« Laissez Naeko tranquille espèce de brute ! » s'écria le jeune frère de Danmarine qui se jeta à corps perdu sur l'agresseur de son ami, qui se retourna alors et jeta un regard noir à celui qui venait de l’interpeller en se demandant qui donc osait l'interrompre.
C'est alors que, sans qu'il ne puisse rien faire, Kiwi se retrouva lui aussi à terre, le nez en sang après le coup de poing qu'il venait de recevoir.
-Qu'est-ce qui te prend ?! Naeko !
Le jeune blondinet à la frimousse ensanglantée qui s'était vivement relevé et avait fondu sur son ami se tenait encore face à lui, le poing brandi, à bout de souffle, certainement des suites de la correction qu'il avait tout récemment reçu.
-Ne te mêles pas de ça...sale pauvre. Les histoires de familles nobles ne concernent pas le bas peuple. Et surtout...ne t'approche plus de moi, compris ?
La froideur que Naeko cumulait dans son regard et dans ses propos glaça Kiwi et ses deux comparses qui ne comprenaient guère cette réaction à vif.
-Père, rentrons.
Venant de retrousser sa manche à l'instant ou il avait entendu la voix de Kiwi afin de lui porter un coup, le père de Naeko se rétracta finalement en voyant que son fils s'en était chargé, et suivit le jeune garçon vers la sortie de du bâtiment académique, laissant là – figés telles trois statues de sel – les enfants choqués de la réaction de celui qu'ils pensaient être leur ami. Kiwi en était resté cloué au sol, essuyant au coin de ses narines le sang qu'avait fait couler son rival.
-Naeko...
Observant depuis sa haute tour le baron qui bousculait son fils avec hargne jusqu'à leur véhicule flottant piloté par un chauffeur personnel, Sorbet jouait avec sa bague, posté devant la grande baie vitrée de son bureau rouge sous le regard de son subordonné.
-Le message est passé j'espère ?
-Je me suis montré on ne peut plus clair, Sorbet sama. Ni lui ni son fils ne nous causeront de problèmes à l'avenir.
De lourds nuages couvraient le ciel rosâtre de Freeza 79, masquant le soleil sur le chemin conduisant Naeko à sa voiture. Des nuages aussi noirs que ceux qui s'amoncelaient au dessus de la planète Pomélo au même moment, bien loin d'ici, alors que l'aube éclairait le matin de ses premiers faibles rayons.
-Voilà le reste, comme promis.
Après avoir déposé dans la main de son sauveur la seconde moitié de la somme d'or promise pour le voyage, Danmarine regarda leur diligence de fortune s'éloigner aussitôt de l'endroit ou il avait déposé le trio. En hauteur, postés sur une colline surplombant le dôme protecteur orangé, le Général, la jeune femme rousse, et la recrue avaient enfin rejoint à nouveau leur objectif après de nombreuses péripéties.
Le crash de leur vaisseau, leur fuite face aux traqueurs que menait Gurē, la bataille pour protéger le canon, l'enlèvement de Dodoria, le combat qui l'avait opposé à Jatoron, jusqu'à leur évasion du village afin de semer Satsu et ses hommes. Danmarine, alors qu'il fixait sa cible d'un œil vif – ce dôme orange dont l'éclat se reflétait dans la pupille du chef militaire – se remémorait chacun des obstacles qu'il avait du braver pour arriver ici. Tirant sur son gant immaculé comme pour enfoncer sa main droite plus profondément encore à l'intérieur, celui que l'on surnommait le miraculé d'Actinidia s'adressa une ultime fois à son équipe.
-Cette fois, nous y sommes, le point de non retour. Si les princes et le gros des troupes de Pomélo se trouvent sous ce dôme, alors une fois désactivé, ils n'auront d'autre choix que de capituler. Mais une fois à l'intérieur, nous serons seuls face à eux. Ce qu'on a affronté jusqu'alors....Zōra, ça pourrait bien n'avoir été qu'une douce promenade. Tu penses être prêt ?
La réponse était bien évidemment non. Même une nuit passée à cogiter à bord de cette charrette – quand bien même les secousses l'auraient suffisamment bercer pour le plonger dans un profond sommeil méditatif – n'était pas suffisante pour que le garçon ne devienne un soldat aguerri et sûr de lui. Mais il connaissait l'importance de la mission, et tout ce qu'elle représentait pour son Général. Et surtout, il était bien conscient qu'il n'avait aucune autre option à portée de main pour pouvoir ensuite rentrer chez lui.
-Oui...Oui mon Général ! Je vous promet de faire de mon mieux !
« C'est clair que sans cape, tu parais moins sexy. Mais question discours, ça reste correcte. » piqua la jeune rousse, toujours aussi taquine avec le Général.
-J'avais d'autres priorités que de trouver une cape de remplacement !
« Mais tu ne chercherais même pas à contre-dire que tu es sexy avec une cape ? Quel vantard ! » lança-t-elle avant de s'approcher du bord de la falaise, scrutant la ville fortifiée d'un air nouvellement sérieux.
« Foncer tête baissée serait suicidaire, il va nous falloir un plan pour entrer discrètement et atteindre le générateur de bouclier sans attirer l'attention. Une idée en tête ? »
-Pour le moment nous allons devoir trouver un moyen de pénétrer ces défenses. Nous y réfléchirons une fois à l'intérieur. Ranfu et Dodoria nous rejoindrons ensuite, sans aucun doute. Tous le monde est prêt ?
Le trio maintenait le regard droit sur cet horizon couleur d'aube qui incarnait leur unique chance de victoire. Remporter cette bataille, laisser la guerre derrière soit, ou rentrer voir son frère en ayant le sentiment d'avoir fait avancer les choses. La finalité pouvait bien différer, la porte de sortie, elle, était un exemplaire unique. Rubī, Zōra et Danmarine s'apprêtaient à accomplir leur leur ultime mission sur Pomélo.
-Zōra...Rubī...allons-y !
À suivre !