Chapitre 110: Au service de l'Empire 2/2
Azoa n'avait pas vu la vice-reine fondre sur elle, encore moins le coup qu'elle voulait lui infliger. Seule l'intervention de Gad'meer, qui avait ralenti Zangya en tenant son poignet, lui permit de comprendre ce qui s'était passé. Elle recula de quelques pas, bouche-bée devant le coup d'éclat suicidaire de son subordonné.
-Pas mal petit. Tu es finalement moins nul que tu en as l'air. Enfin en ce qui concerne la défiance face à tes supérieurs, ironisa Zangya.
Le petit insolent semblait mettre toutes ses forces pour la retenir et ne répondit pas, trop occupé qu'il était à serrer les dents. Zangya, amusée, continua son petit jeu. Elle se désintéressa de l'inconscient qui lui tenait le bras et vrilla son regard dans celui doré et paniqué de la jeune capitaine.
- Si certains de tes subordonnés manquent de clairvoyance tu peux au moins être sûre qu'ils ne t'auraient jamais trahi, sourit-elle.
Zangya se retourna à nouveau vers le jeune soldat à la peau bleue. Il tremblait de tout ses membres sous l'effort prodigieux qu'il déployait. Un effort prodigieux pour lui, mais dérisoire tant elle se retenait.
-Dommage que tu n'aies pas fait montre d'une telle vivacité face aux terroristes, déclara-t-elle à nouveau sérieuse en désignant du menton le cadavre de la tortue carbonisée.
La plaisanterie avait assez duré pour la vice-reine. Elle fit exploser son aura, expulsant Azoa dans un déploiement d'énergie violacée. Le petit teigneux, tenace, était encore accroché à ses basques. D'un revers, elle se débarrassa de lui comme un insecte agaçant qu'on balaye de son chemin. Il s'envola et elle le rattrapa en plein vol pour lui enfoncer le pied dans l'abdomen. Le mutin, lancé tel un décharge de ki, explosa complètement un des murs et provoqua l'effondrement partiel d'un pan de la coupole sur les rares rebelles à terre encore en vie.
Zangya se posa ensuite et rebroussa chemin vers la capitaine laxiste. Celle-ci, secouée, se relevait difficilement. Son subordonné avait fait montre d'une puissance plus importante qu'elle pendant un court instant. Il s'était relevé de sa première charge et avait trouvé la force de retenir son poing, sous l'émotion et l'envie de protéger sa chef probablement...
-Keuf ! Keuf !
Azoa se redressait péniblement. Elle avait été littéralement écrasée par une infime fraction de l'aura de Zangya. Pas besoin de détecteur pour constater l'évidence.
Une ombre la recouvrit partiellement. Azoa ne bougea pas. Gad'meer n'avait fait que retarder une sanction qu'elle savait inéluctable. Pourquoi diable leur avait-il caché la présence de cette pathétique tortue ? Et qu'est ce qui lui avait pris de lever la main sur la vice-reine, pensa-t-elle la gorge serrée.
-La fidélité de tes troupes est admirable. Ton petit guerrier stupide était prêt à tout pour te protéger..C'est une qualité que j'apprécie mais il a oublié que votre chef à tous, c'est moi.
Azoa était résignée, la partie se terminait pour elle. Mais contre toute attente...
-Je vais être clémente cette fois-ci, malgré ta grossière erreur de meneuse de troupes capitaine Azoa. Mais il n'y aura pas d'autre chance. On n'est plus à l’entraînement, la plus petite erreur peut avoir des conséquences incalculables.
La capitaine, agenouillée et tête vers le sol, soupira intérieurement. Même si elle ne comprenait pas le revirement d'attitude de la patronne.
-Par ta faute mille deux cent combattants de l'Empire sont morts aujourd'hui, mille deux cent personnes qui auraient pu être en vie à l'heure actuelle si ce n'était ton laxisme. Je ne compte pas les ennemis que nous aurions pu capturer et interroger, ni les pertes civiles, près de trente milles âmes. Non, trente milles martyrs pour ces infâmes rebelles.
L'ombre qui surplombait Azoa se retira. Les bruits de pas qui s'éloignaient indiquaient le départ de la vice-reine. Azoa se détendit, quand le voix dure de Zangya lui fit retenir une dernière fois son souffle.
-Maintenant lève toi capitaine. Ramène tes gens à votre point de rendez-vous.
-O-Oui, ma Dame.
-Occupe-toi de Kashmeer avant qu'il n'y passe, il est bon pour la cuve de soin. Il doit vraiment t'avoir dans la peau pour avoir agi comme il l'a fait...
La peau sombre d'Azoa masqua le sang qui affluait à ses joues sous la confusion. La vice-reine enchaîna, lui permettant de ne pas bafouiller de hasardeuses justifications.
-...Mais dis-lui de maîtriser ses ardeurs. À la prochaine insubordination qui parvient à mes oreilles il sera exécuté. Est-ce clair ?
-O-Oui Da...
« BOWW !»
La vice-reine avait décollé sans même attendre sa réponse.
-Pfiouuu, se relâcha enfin Azoa.
Elle se mit debout. Djoss bougeait ses membres, elle reprendrait connaissance sous peu. Sa poche d'eau s'était brisée, son liquide répandu sur et autour d'elle lors du dégagement d'énergie de la vice-reine. Gozibaar et Rakta'k avaient été soufflés eux aussi mais semblaient toujours inconscients. Le livrain reposait sur le dos les quatre fers à l'air. la tête velue de biche aux traits tendres et détendus qu'il arborait aurait pu le faire passer pour l'être le plus pacifique et inoffensif de la création. Tant qu'il restait endormi. Rakta'k était allongé sur le ventre face contre terre. Elle sut qu'il était hors de danger au rythme de sa respiration.
Parfait, personne ne risquait rien à part Gad'meer. Azoa d'un bond, atteint les gravats où son compagnon devait être enseveli. Elle les dégagea pour le retrouver...
Zangya volait vers le quartier général de campagne. L'équipe de génie chimique avait nettoyé l'atmosphère des derniers relents des gaz nocifs répandus par les rebelles Briviks dans leurs suicides meurtriers. Le ciel de la planète avait retrouvé sa vive teinte orangée. Elle vit quelques dizaines de vaisseaux se diriger vers la capitale. Les réservistes seraient suffisant pour se substituer aux éléments perdus sur la planète. Leur nombre pallierait à leur moindre qualité... Le cas de l'escouade d'Azoa était intéressant. Ses subordonnés avaient fait montre d'un remarquable esprit de sacrifice lors des entraînements déjà et durant leur première mission. C'était peut-être le genre d'équipe qui avait besoin d'être dans une situation extrême pour montrer son vrai potentiel. Le sursis qu'elle leur avait accordé, malgré leur faute flagrante, montrerait si elle s'était trompée ou non à leur sujet. Elle leur assignerait des missions bien plus difficiles dorénavant. Qu'ils réussissent où qu'ils meurent, ils auraient remplis leur fonction et seraient vite remplacés par d'autres commandos de même niveau...
Un message sur le monocle de son détecteur la tira de ses réflexions. Bojack voulait lui parler d'urgence. Zangya perdit de l'altitude à l'approche des installations impériales. La ville avait été relativement épargnée par les combats aériens, les structures ovoïdes du goût de ce monde étaient intactes pour la plupart. Sauf là où étaient posés les bâtiments impériaux, largués en modules préfabriqués. Zangya pénétra dans les structures cubiques sous les expressions intimidées des personnes qui la croisaient et s'isola dans une salle aux communications sécurisées. Elle consulta les dernières informations sur le réseau spécial pendant qu'une technicienne s'occupait de la liaison entre Gomara et Ice 14.
La spécialiste s'éclipsa discrètement pendant qu'elle prenait connaissances des derniers événements. La grève des transporteurs de 3 planètes du secteur de Kriss était terminée. Bujin avait promis aux navigateurs commerciaux des escortes militaires pour les convois importants. Bizarre qu'il ait cédé si vite. À moins que ce ne soit pour gagner du temps et pour éviter que ce fâcheux mouvement ne fasse tâche d'huile...Bujin avait aussi participé à une vague d'arrestation de barons du crime dans le même secteur. Des chefs ashkourates était mis hors d'état de nuire...La planète Ice 93 était retournée dans le giron impérial. Les autorités de l'Union avaient bien fait de se montrer discrètes et de rejeter la demande d'affiliation de la planète séditieuse. Bidoh aurait mis plus de temps à faire rentrer les choses dans l'ordre sinon.
Une petite dizaine de mondes demandait l'installation ou l'agrandissement de garnisons pour les protéger des attaques des petits démons bleus. Filk avait autorisé l'ouverture de certaines sur les planètes les plus peuplées, ça devrait satisfaire les quémandeurs. Mais Zangya savait que ce ne serait d'aucune utilité si les terroristes débarquaient. Seuls Bojack, Bidoh, Bujin et elle pouvaient les arrêter...
D'autres petits faits de moindre importance attirèrent son attention, et la liste d'incidents, plus si négligeable maintenant, grandissait au fur et à mesure que les attaques terroristes s'accumulaient. L'information était totalement verrouillée, mais pour combien de temps encore.Il fallait que...
Bojack apparut subitement sur le grand écran de la salle. Il était torse nu, une serviette sur ses larges épaules.
-Bojack, tu veux peux-être que je te rappel plus tard ?
-Je viens de finir mon entraînement, c'est bon.
-Ok.
-Les petits démons ont encore attaqué...
-Mais je n'en n'ai...
Bojack leva la main pour intimer à Zangya de le laisser continuer.
-L'information n'est pas encore publique. Par chance Bujin était dans le secteur où ils ont frappé. Il a pu rejoindre la planète qu'ils ravageaient à temps.
Bojack marqua une pause et se fendit d'un sourire large et cruel.
-Les créatures de Cell ont déguerpis à son approche. Les troupes de la planète ont brièvement résisté avant de se faire décimer. Elles ont pu abattre un des comparses des lutins. Mais il n'était pas mort, on a pu mettre la main sur lui avant qu'il n'y passe...
Zangya lui rendit sa mimique. Enfin ils possédaient un membre de l'organisation ennemie.
-Bujin l'a mis dans une cuve pour le remettre sur pieds, il revient avec lui. Je vais m'occuper personnellement de l'interrogatoire...
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Planète Arlia
Eam se fraya un chemin à travers la rue jonchée de décombres. Le corps d'aide de l'armée n'avait pas encore déblayé cette partie de la ville. Cela se voyait et surtout se sentait. Les bâtiments éventrés, on s'y habituait. Les quartiers brûlés ou réduits à l'état de cratères fumants, on pouvait les reconstruire. Mais l'odeur pestilentielle... Non, elle ne s'y habituerait jamais. Eam se raidit et serra son mouchoir parfumé sur sa truffe. Trop de morts. Il y avait tout simplement trop de cadavres, qui pourrissaient depuis trop de jours déjà sous les soleils de plomb pour que la puanteur obsède les survivants encore longtemps. Que faisait l'armée ?
La rescapée quitta la zone hantée par la décomposition pas assez vite à son goût.
Une navette filant au dessus d'elle lui fit lever la tête. La lentille écrasée se dirigeait vers ce qui restait du centre-ville. Eam était contente de revenir. Elle avait assez de rations pour que ses frères et sœurs tiennent au moins cinq jours. Là-bas ce serait la cohue. Mais c'était toujours mieux que l'anarchie et la loi du plus fort qui avaient prévalus pendant ces jours terribles, entre le départ des tueurs psychopathes et l'arrivée des forces impériales.
Le bâtiment qui servait de demeure à sa famille n'avait pas été trop touché. Seuls trois étages sur sept étaient inhabitables. L'appartement de ses parents était encore vivable.
Eam monta à pieds les quatre étages nécessaires pour accéder à sa « demeure ». La résidence était calme en cette heure de la journée. Elle franchit avec agilité les restes de barricades qui protégeaient chaque étage. Les pillages ayant cessé, elle n'étaient plus vraiment utiles. La survivante arriva à son étage puis pénétra dans l'appartement familial. Personne ne l'avait suivie donc elle ne se retourna pas pour vérifier. Son plus jeune frère se jeta sur elle dès qu'elle franchit la porte.
-EAAAM !
Il lui sauta au cou et lui pourlécha les babines.
-T'été où ? T'été où ?
-Faire quelques courses Moyan, répondit-elle en le reposant par sur le plancher poussiéreux.
Raèl s'approcha plus calmement, préoccupée. Contrairement à Moyan, elle était assez grande pour réaliser la gravité des événement qu'ils vivaient. Les oreilles et les moustaches tombantes de Raèl suggérèrent à Eam que quelque chose d'important la travaillait.
-Raèl, qu'est ce qu'il se passe ?
-C'est Foïss. Il est parti.
-Quoi ? Mais je vous avais interdis de sortir en mon absence ! Qu'est-ce qui s'est passé ?! aboya Eam, furieuse.
Raèl se tordit les pattes en tentant de se justifier tant bien que mal.
-Je sais mais c'est pas lui c'est les voisins ! On remontait des toilettes et ils ont commencé à nous parler, à nous dire qu'on pouvait revoir papa et maman !
Soyoks et Zoltan. Ça ne pouvait être qu'eux.
Raèl Pleurait maintenant à chaude larmes.
-Snif...J'lui est dit de rester mais ils ont dit qu'ils l’emmènerait pas longtemps et qu'il reviendrait après avoir vu papa et maman grâce au magicien qui était arrivé ! Sniff...
-Pleure pas c'est pas ta faute, je vais le retrouver d'accord ? Viens-là , la consola Eam en écartant les bras.
Raèl se rapprocha à petit pas et se blottit dans les bras de sa grande sœur.
-Ça fait combien de temps qu'ils sont partis ?
-Sniff... Pas longtemps après toi, sniff...
-Ok. Je dois y aller. Je vais récupérer Foïss d'accord ? Je te laisse la clé. Tu fermes après mon départ et tu n'ouvres à personne d'autre que moi quand je reviens d'accord ?
-Mff... Moui.
Eam se releva et quitta l'appartement. Soyoks et Zoltan. C'était le couple un peu marginal et dingo du bâtiment. Toujours branché sur les choses mystiques et s’intéressant de près où de loin au paranormal et à toutes ces bêtises de diseuses de bonnes aventures.
Eam dévala en trombe les quatre étages. Elle chercha et trouva une barre de fer au pied d'une barricade qu'elle dissimula sous sa veste crasseuse.
Le couple loufoque avait survécu à l'attaque des monstres bleus et leurs délires avaient explosés. Sûrement leur manière à eux de faire face au traumatisme. Mais venir chercher son petit frère et lui faire croire qu'il pourrait revoir leurs parents décédés.... Si jamais ils lui avaient fait du mal, fulminait Eam en marchant...
L'armée et les œuvres de charité n'étaient pas les seuls à venir après la tragédie. De mystérieux prédicateurs, prophètes, devins et voyant étaient apparus, se multipliant comme des petit pains à mesure que la détresse des survivants, une fois le choc initial passé, se révélait.
Eam marchait de plus en plus vite. Elle courait même. Elle savait où se trouvaient ceux qui avaient kidnappé son frère. Probablement sur la place des trois fontaines. Cette large place était devenue le lieu de rassemblement favoris pour les charlatans en tous genre.
Effectivement, la place était fréquentée mais pas pleine de monde heureusement. Un pauvre hère l'apostropha pendant qu'elle cherchait du regard son petit frère :
-Tu viens écouter le mage Babidi toi aussi ? La rumeur dit qu'il peut rétablir la paix dans l'espace bien mieux que notre Empe...
-Nan, j'suis pas là pour ça. Je cherche quelqu'un.
Eam n'écoutait déjà plus les grognements de l'illuminé quand elle aperçut son petit frère, juché sur les épaules de Soyoks. Ils semblaient être dans une petite file formée devant une grande tente improvisée. Eam les rejoignit plus vite qu'elle ne l'aurait crut.
-EAAAAMM ! glapit Foïss en l’apercevant.
Zoltan se retourna, ainsi que Soyoks.
-Eam, vous n'étiez pas là quand nous sommes pass...
-Rendez-moi mon frère ! déclara-t-elle sèchement.
Elle arracha son frère des épaules de Soyoks sans attendre la réponse de Zoltan.
-Tout doux ! Nous ne lui voulions pas de mal ! Tenta-t-il
-Vous n'aviez pas à le prendre sans mon autorisation !
Soyoks s'échauffa et haussa le ton :
-Je suis sûre que vos parents auraient apprécié cette démarche. Même s'ils ne sont plus de ce monde, je...
-Je vous interdis de parler de mes parents ! aboya la jeune fille.
Quelques personnes autours d'eux se retournèrent, surprises par l'éclat de voix.
Zoltan tenta une nouvelle fois de calmer le jeu:
-Nous ne voulions pas vous nuire, ni à vous ni à Foïss. Nous voulions lui faire du bien, et on nous a dit beaucoup de bien de ce mage, le sage Babidi...
-Je me fous de tous vos sorciers à la con, c'est pas eux qui vont faire revenir les morts! Faites vous manipuler si ça vous chante mais laissez-nous en dehors de vos délires !
Eam tourna les talons et repartit brutalement. Elle put entendre avant de trop s'éloigner:
-La pauvre, si étroite d'esprit... Elle ne fera pas parti des élus, j'en ai bien peur...
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