Kat retournait le Casino Royal dans tous les sens possibles, espérant débusquer le portail qui s'était permis de recracher la jeune sang-mêlé sur cette planète non identifiée. La sécurité de l'établissement eut tôt fait de se jeter sur miss fauteuse de pagaille. Pour neutralisation. Mais tous se rendirent bien vite compte du fossé monstre. Le dernier garde encore debout hésitait d'ailleurs sur l'attitude à adopter. Finalement, il se jeta sur Lupanar bille en tête. Il savait qu'il allait se faire assommer comme tous les autres avant lui. Mais le contrat de travail - signé par monsieur le garde - ne parlait pas d'une obligation de résultat. Juste d'une obligation de moyens. Lady K. intercepta le kamikaze d'un superbe coup de boule qui envoya monsieur le vilain s'écraser sur une rangée de machines à sous. Et contre toute attente… la blondine défaillit elle aussi. Kat chavira. Puis tomba.
— Eh merde ; tête dure…, bredouilla miss classe 2 - une main sur le front - tandis que son précieux popotin goûtait déjà au froid de la moquette couleur topaze rayon de lune. Huf… huf… match nul…, heureusement que c'était le dernier du lot…, souffla-t-elle enfin, au vu de l'état parfaitement paralysé dans lequel baignaient aussi bien l'agresseuse que l'agressé.
— Et on peut savoir pourquoi toute cette pagaille ? scanda soudain Barta Zeon - depuis le bar où il était allé se chercher une bouteille de cognac, qu'il descendit cul sec au milieu des mots “pourquoi” et “toute”.
— Je cherche un portail. Celui par lequel je suis apparue… Et par lequel j'ai bien l'intention de repartir.
— Le portail dont tu parles - si tant est qu'il existe - ne se trouve pas dans ce casino, assura Zeon - flegmatique.Kat tourna la tête en direction de Barta - sur un air bientôt interrogateur.
Du doigt, Stanis invita Lysandre à réorienter son regard en direction d'une certaine fenêtre du casino ravagé. Miss Empire s'exécuta et vit aussitôt — à travers l'immense vitre en question — une longue rangée de bâtiments divers et variés. Tous troués au niveau de leurs cinquièmes étages respectifs.
— Tu comprends ? intima Zeon - depuis le tabouret de bar d'où le Banni “jouait” à faire s'entrechoquer les glaçons qui tapissaient le fond d'un verre.
— …… Je comprends, confirma l'officière dorée, dans un souffle éteint.Lady Lysandre décolla son arrière-train de la moquette puis se remit debout d'un pas chancelant. Elle se débarrassa des copeaux de plâtre qu'elle avait sur les habits et dans les cheveux. Son regard azur brossa mécaniquement le pourtour de la grande salle. Laquelle se voyait déjà désertée par un peu tout le monde. Hormis deux je-m'en-foutistes. À savoir : Barta Zeon ainsi que le jeune barman qui lustrait un verre depuis son propre versant du bar.
— Si tu comprends, alors c'est bien, souffla Stanis, en pivotant sur son tabouret pour se détourner de Boucle d'Or, au profit d'une bouteille de vodka-pomme trônant sur le comptoir.
— J'y vais du coup…
— À plus.
— Désolée pour le dérangement…
— Penses-tu.
J'étais en train de perdre au poker… Alors tu es tombée à pic.Lady Lysandre fit vrombir son aura, et décolla.
Elle remonta le fil rouge des dégâts qu'elle avait causés dans toute la région. Ces destructions de bâtiments ayant pour origine le vol plané souffert par Boucle D'Or. Vol plané dont la ligne d'arrivée fut précisément l'enceinte du Casino Royal. Kat cherchait désormais la ligne de départ… qu'elle trouva finalement loin du centre-ville, au cœur d'un exotique village rural - de taille moyenne - situé en bordure immédiate d'un immense désert de sable bleu. Un désert bleu ciel - moucheté de centaines de mini-oasis extrêmement proches les unes des autres. Moins d'une quinzaine de mètres d'intervalle - pour tout dire.
Du reste : pas de portail à l'horizon.
Normal.
Le père de Need Stark avait bien précisé que les portes dimensionnelles étaient parfaitement invisibles. Il avait aussi fait savoir que chaque portail se déplaçait de manière 100% aléatoire - sur un périmètre d'environ 300 yards. Ce qui voulait dire que la brèche dimensionnelle dont Kat cherchait encore l'emplacement se baladait à l'instant-même sous le nez de Boucle d'Or.
En tout incognito.
Kat se laissa tomber sur les genoux, ignorant autochtones anorexiques, chiens anorexiques et moustiques diurnes anorexiques. Elle tapa sauvagement du poing contre la terre meuble du village, avant de redresser la tête pour hurler à tous vents.
Sans elle, Dieu et Bong étaient faits comme des rats, face au présumé Organique #19.
Lupanar le savait très bien.
Malheureusement, elle était coincée ici.
Dans ce village aux airs de petite station balnéaire morose sinon miteuse.
Et chaque seconde qui passait comptait.
Non…
… Chaque quart de seconde.
D'ailleurs, Kat - une fois son cri éteint - s'empressa de matérialiser une montre à son poignet. Puis orienta le regard vers le ciel. Ou plus précisément : vers le soleil. Les soleils, en l'occurrence. Un système à deux étoiles. Exactement comme celui auquel appartenait la planète Terre. D'ailleurs, peut-être Lysandre se trouvait-elle encore au sein du système solaire en question. Malheureusement, étant nulle en astronomie, Boucle d'Or ne saurait se situer dans l'espace.
En tout cas - pour peu que Lupanar n'ait pas switché de système solaire depuis La Giffle - alors la planète bleue n'était peut-être pas si éloignée que ça - d'ici. Auquel cas, l'idée de retourner sur Terre “à pieds” était peut-être la clé du problème. Ou pas… Car Lupanar n'était pas sans savoir qu'un voyage “coast to coast” - à l'ancienne - consommerait infiniment trop de temps. Or Boucle d'Or devait retourner sur Terre tout de suite et pas “tout à l'heure”.
...
Elle jeta un regard nerveux à sa montre… puis leva le nez vers les soleils, qui brillaient suffisamment haut pour faire transpirer la jeune fille à fines gouttes.
Ou était-ce la nervosité ?
...
— Putain merde. C'est mort ! Même en me transformant je n'arriverai jamais à voler jusqu'à la Terre à temps. Il me faut un vaisseau avec option hyperespace…
— Tu ne trouveras même pas de vélo avec option frein dans ce village, mam'zelle.
Kat pivota sur elle-même puis redressa la tête et réalisa alors que son interlocuteur n'était autre que le grand monsieur bleu aux yeux rouges. Celui du casino.
— Qu'est-ce' tu fais là toi ? s'enquit Boucle d'Or, qui serait tombée sur le séant si elle ne reposait pas déjà dessus.
— J'habite le village voisin.
Et tu es ici dans le village de mes parents, fit noter Barta, qui surplombait Lupanar de toute sa hauteur.
— Tu connais cette charmante jeune fille, Zeon ? Elle est avec toi ?
— Tu aurais pu nous prévenir qu'on avait des invités, Stanis. Regarde comme je suis habillée !
— Eloignez-vous du désert maudit les enfants, vous êtes trop près, c'est dangereux !
Ces trois dernières interventions étaient le fait d'autant de villageois disséminés aux alentours.
— Tu es vraiment vraiment sûr qu'il n'y a aucun vaisseau spatial sur cette planète ? força Lupanar, sans plus du tout quitter sa montre des yeux, tandis que son teint de porcelaine hésitait à passer au feu bleu… rouge ou vert, suivant le sentiment qui dominait entre la peur, la colère et la rage.
— Pourquoi penses-tu qu'on m'appelle “Le Banni” ? Si je pouvais retourner sur Terre je l'aurais déjà fait.
— Bon, mais moi je n'ai pas le temps pour ton blabla de monsieur je-savais-pas-que-c'était-possible-alors-je-l'ai-pas-fait…, souffla Lupanar, qui avait déjà oublié le nom, le prénom et le surnom de son interlocuteur. Je dois à tout prix retourner au-dessus du pacifique pour terminer la bête. Tout de suite ! Hors de question de laisser Gero gagner la partie, termina miss Empire - pour elle-même - tandis que ses jambes s'ébranlaient pour la remettre debout.
— Retourner au-dessus du Pacifique hein. Intéressant… Et tu vas faire comment exactement ? s'amusa Barta.
— La grand-mamie qui vient de nous appeler “les enfants” à l'instant… elle a aussi parlé d'un désert maudit. Je suppose qu'elle faisait référence au désert que j'ai sous les bottes. Et si cette étendue de sable bleu est considérée comme maudite - par vous autres autochtones - je suppose que c'est parce qu'elle est le théâtre de disparitions mystérieuses. J'ai raison ?
— Bien vu, tiqua Barta - qui fronça les “sourcils”, imperceptiblement.
— Parfait. Au moins comme ça, j'ai la preuve que le portail que je cherche se trouve bien ici-même, dans ce trou à rat, et nulle part ailleurs.
— Intéressant, lança alors Zeon, définitivement amusé par cette drôle d'inconnue et ses drôles d'histoires.
Et du coup, en quoi ça t'avance ?
— Le portail que je cherche se déplace tout seul - sans aucun pattern - sur un périmètre d'environ 300 mètres. Je suppose qu'il s'agit de mètres cubes. Du coup, si vous aviez l'obligeance de m'indiquer précisément dans quel coin du désert ont généralement lieu les disparitions, je pourrais alors délimiter ma zone de recherche avec des cailloux, des bâtons ou n'importe quoi dans le genre…
— Pas besoin de pierres ou de bâton. Tu vois les quatre poteaux en bois qui forment un champ rectangulaire… par là-bas ? lança alors Zeon, indiquant un certain point du désert, côté Nord.
— Les poteaux avec un crâne fixé au sommet de chacun ?
— Ouais, ces poteaux-là. Ils délimitent précisément la zone de recherche qui t'intéresse.
Et les crânes, c'est ceux de gens comme toi. Je dis ça, je dis rien.Kat jeta un œil à sa montre. Encore une fois.
Sa main gauche ne quittait plus son front sillonné par la sueur.
La douleur du coup de boule ne régressait pas avec le temps, bizarrement.
— Et maintenant mam'zelle ? Que vas-tu faire que nous n'ayons nous-mêmes déjà tenté mille fois ? sourit Barta
— Mec, tu as sous les yeux la future putain de Big Boss de l'univers. Alors tu es gentil… monsieur short-sandales…
— Intéressant…, s'amusa Barta, sans relever la boutade sur sa tenue décomplexée. J'aurais donc sous les yeux la “future putain de Big Boss de l'univers” ? Ou peut-être la “future putain du Big Boss de l'univers” ? questionna le grand gaillard, en référence au nom de famille de Lysandre, qui ne lui avait pas échappé.Kat grinça des dents, cherchant à rebondir avec hauteur, sans rien trouver d'autre à dire que…
— C'est ta mère la putain…
— Intéressant, sourit Barta, sans ajouter grand-chose… lui dont les jambes s'activaient par ailleurs afin d'évacuer les grains de sable qu'il avait dans les sandales. Tu prévoies de te promener - au petit bonheur la chance - dans la zone d'investigation, jusqu'à tomber par hasard sur le portail invisible ? C'est ça ?Kat revint face à Barta, après être allée s'excuser platement auprès de la mère de ce dernier.
— Comment tu as fait pour la reconnaître parmi toutes les femmes du village ?
— Vous vous ressemblez.
— Intéressant.
— …
— Je disais donc : tu prévoies de te promener aléatoirement dans la zone de recherche jusqu'à tomber par hasard sur le portail invisible ? C'est bien ça ?
— Si tu as mieux à proposer… je t'écoute, murmura l'ex-chasseuse de Dragons albinos, en prenant déjà la direction du champ rectangulaire, forçant ainsi Barta à parler de plus en plus fort, à mesure que la jeune fille s'éloignait vers le Nord.
— Tu as conscience que ton cher portail n'attendra pas sagement que tu le trouves, mais se déplacera en même temps que toi pendant que tu le chercheras au petit bonheur la chance ? Or - s'il se déplace en même temps que toi - alors tu pourrais bien te balader dans la zone d'investigation pendant des jours voire des années entières avant que vos routes - au portail et à toi - ne se croisent par le plus grand des hasards. Juste pour savoir, tu as déjà fait “probabilités” à l'école ?
— Peut-être que vous - dans ce charmant village - ça vous prendrait des jours ou des semaines ou une éternité. Mais moi - avec ma vitesse d'officière de choc - ce sera l'affaire de quelques secondes. Je suis une classe 2, pour info. Et je suis très probablement l'une des dernières survivantes - sinon la dernière survivante - d'une certaine mission de rang S+. Toi… je ne sais pas quel était ton grade au sein de l'Empire. Si tant est que tu aies jamais été membre de l'Empire.
— L'affaire de quelques secondes ? Y'en a qui doutent de rien…
Sinon oui, j'ai bel et bien été membre de l'Empire.
Et je n'étais pas classe 2, sourit Barta.
— Classe 3 ? s'enquit Kat, sans vraiment s'intéresser à sa propre question.
— Non plus, précisa Barta, sans se départir de son petit sourire.
— Comme quoi… les apparences…
… Monsieur le classe 4.
— Non plus. Tu cherches mon grade dans le mauvais sens.
— Oh… alors tu étais un simple aspirant ? lança Kat… qui n'avait pas entendu la seconde phrase de Barta.
Dans ce cas, tu ne pourras même pas me suivre du regard pendant que je traquerai le portail.
— Parce que tu iras trop vite pour moi ? Intéressant…, re-sourit Zeon.
— Ouais… ok… steuplait parle pas avec moi. On cause pas aux classe 4 nous. Essaye déjà de ne pas me perdre de vue…, souffla Lupanar - sur un ton qui encore une fois ne permettait pas de savoir s'il s'agissait là de premier degré ou de quatrième. C'était d'ailleurs tout le problème avec Lysandre. En toute matière et de tout temps.
— Donne-moi juste le temps de faire chauffer mon Ki bien comme i' faut… puis admire l'artiste et mords-toi les doigts en me voyant disparaître subitement de ce trou perdu, sous tes yeux dégoûtés, termina Boucle d'Or, à l'endroit du Stanis.
— Haha, Ok… C'est comme tu sens, fit Barta, qui prenait par ailleurs la direction de l'une des trop nombreuses oasis du coin, pour aller s'asseoir à l'ombre d'un palmier dattier, à même le sable bleu déjà copieusement chauffé par les étoiles.Stanis s'installa tout aise. Au passage… il ramassa le chapeau de paille qui traînait au pied de l'arbre fruitier. Le Banni épousseta la grande coiffe avant de s'en parer. Il lova ensuite sa nuque au creux de ses paumes jointes. Barta se contenta enfin de regarder Kat s'éloigner vers le champ maudit. Zeon fut clairement surpris lorsque - subitement - il vit les cheveux de la blondine se dresser en une multitude de mèches épaisses et pointues, tandis que Lupanar avançait encore à pas mesurés vers le Nord.
Lysandre était désormais entourée d'une aura royale qui dansait un tango endiablé avec le sable bleu.
Barta siffla d'admiration. Puis ce fut le ventre de Barta qui siffla, mais pas d'admiration. Alors Stanis se leva pataudement puis quitta son poste d'observation et partit s'éclipser dans l'un des domaines les plus reculés du village. En quête de pitance.

— Barta ! Arrête un peu de bouffer ! Ton Poulet Braisé va pas s'envoler. Va chercher ta copine.
— Mama… c'est pas ma copine. Je ne connais pas cette fille.
— Et arrête de manger la bouche pleine !
Et arrête de t'essuyer les mains sur les coins de la table ! Prends exemple sur Roosbalt !
— Tu veux que j'arrête de manger la bouche pleine ?!
Et comment tu sais que je m'essuie les mains sur la table ?!
Tu n'es même pas dans la même pièce que moi !
— Roosbalt ! Dit quelque chose ! Raisonne ton copain ! Moi j'abandonne !
— Tu devrais écouter ta mère Barta…
— Tu vas pas t'y mettre toi aussi ? Qu'est-ce qu'on en a à foutre de cette fille, franchement ?
— Oui mais là ça fait au moins cinq heures qu'elle se tue à la tâche dans les champs. Tout le village la prend pour une folle. Personne n'ira l'aider, sinon toi. Elle doit être épuisée à force de courir dans tous les sens. Regarde, il fait déjà nuit noire. Les grillons s'égosillent. Tu vas quand même pas laisser cette étrangère dormir à la belle étoile ?
— Et pourquoi pas ? Si elle a envie de passer sa nuit à essayer de trouver son portail…
— Bon, mais va au moins vérifier qu'elle est encore là. Ta mère me fait dire que ça fait plusieurs heures qu'elle n'entend plus aucun bruit venant des champs. Du coup, ça se trouve, l'étrangère est partie depuis longtemps.
— Ha ! ha ! HA ! Tu penses sérieusement qu'elle a pu réussir à trouver son portail ?
En une seule journée ?
— …
— 10 gros billets qu'elle est encore là. À courir après son ticket de sortie, dans le noir.
— 15 qu'elle est partie, depuis longtemps, surenchérit Roosbalt.Barta se leva sèchement de table.
— Mama… j'y vais ! Je vais chercher ta petite protégée !
— C'est pas trop tôt !
— J'ai fini de manger, c'était très bon, merci.
— …
— Mama ?
— Quoi ?
— Tu saurais pas où j'ai rangé mon détecteur par hasard ?
— Le monocle Impérial ? Pourquoi tu me demandes ça ?
Ça doit bien faire 3 ans que je ne l'ai plus vu. La dernière fois, il traînait quelque part dans ta chambre.
— Tu ne l'as pas jeté quand même ?!
— Pourquoi ?
— Tu pourrais le chercher pour moi s'il te plait ? J'aimerais mesurer la puissance de la fille.
— Tu parles de celle qui a réussi en une après-midi ce que tu n'as pas réussi en trois ans ?
— Tu penses que j'ai essayé ?
C'est ça… fous-toi bien de ma gueule, Roos.
Juste un conseil : fais chauffer les 15 billets.
— Tu es encore là Barta ?!
— Non mama… je suis déjà parti ! trembla Zeon en prenant aussitôt la direction du dehors. Mama… pendant que tu cherches le détecteur dans les valises… tu pourrais pas en profiter pour chercher mon manuel de maths de Terminale - s'il te plaît ? Je crois qu'une certaine personne dans le coin a urgemment besoin de réviser ses cours de probas.
— …Sur ce, Stanis prit définitivement la direction des champs. Il parvint à bon port, et vit alors de quoi se payer un sourire pour tout de suite, et une bonne bouteille à quinze balles pour plus tard.
“Roos… j'espère que tu gagnes suffisamment bien ta vie en tant que Barman unique au Casino Royal…
… Parce que tu vas bientôt être allégé de 15 gros billets.”Barta ravala son sourire. Lupanar n'était pas dans son état normal.
Assise sur le sable - dans la plus nonchalante des positions, elle était immobile, et ne clignait plus des yeux.
— … Ça va mam'zelle ?
— …
— Tu ne tiens plus debout. Tu penses pouvoir te lever ? Tu veux que je te porte ?
— …Barta orienta son regard vers le point d'horizon que l'étrangère semblait fixer.
Il mit une bonne minute à comprendre que la miss ne regardait rien de spécial.
— Tu es pleine de poussière. Viens chez mes parents. Tu pourras prendre un bain.
Il commence à faire froid ici en plus.
— …Kat jeta un œil à sa montre. Elle resta ainsi 30 bonnes secondes… puis s'en retourna fixer l'horizon nuiteux.
— Ils sont morts.
— Qui est mort ? souffla Barta - en posant un genou devant la fille assise, perdue dans la Lune.
— Mes collègues.
Ça fait plus de 5 heures que j'ai quitté la Terre.
Le combat est fini depuis longtemps, à cette heure-ci.
Et il y a forcément eu un gagnant.
— Et si nous commencions par le commencement ?
— …
— Quel est ton nom ?
Complet.
— …
— Et pourquoi tu n'arrêtes pas de te tenir le front depuis ce matin ?Barta sursauta sans retenue.
Kat s'était mise à se rouler dans la poussière.
En poussant des cris de plus en plus aigus. Au bord de la convulsion.
Zeon ne sut que faire. Il s'agitait sur place - comme sur un tapis de danse, dans une salle d'arcade.
— Ça… ça va ? bafouilla l'alien - en tendant le bras sans trop oser s'approcher.
— Non ça va pas, souffla Kat - dans un parler soudain parfaitement lisse et clair.Suffisamment lisse et clair pour faire re-sursauter Barta.
Boucle d'Or était tout à fait calme. Couchée sur le dos, en étoile de mer. Le nez dans les astres.
Stanis ne savait plus que penser de cette personne qui passait d'un état à l'autre sans prévenir.
— C'est quoi ton problème ? cracha-t-il alors, sur un ton passablement moins compassionné qu'avant.
— Mon problème ?
Mon problème c'est que j'ai encore la sensation que de la morve dégueulasse coule sur mon bras, alors qu'il n'en est rien.
Mon problème c'est que je ne sais plus comment je m'appelle. Tu viens de me demander mon nom… Et je n'ai rien su répondre.
Mon problème c'est que j'arrive plus à me souvenir de comment déclencher ma transformation. J'ai tout essayé… même sauter à cloche-pied en tirant la langue… mais j'arrive plus à trouver le truc. Et les deux seules personnes qui auraient pu me renseigner nagent actuellement avec les poissons du Pacifique.
Mon problème c'est que je viens de me rendre compte qu'il me faudrait atteindre une vitesse au moins 10 fois supérieure à celle du son pour espérer mettre un jour prochain la main sur le portail.
Or - sans ma transformation - je ne peux même pas atteindre la moitié de ces vitesses extrêmes…
Mon problème… c'est que - pour je ne sais quelle foutue raison - je suis en train d'oublier des trucs à chaque minute qui passe !— Tu ne sais plus comment tu t'appelles ? Comment ça se fait ça ?Kat baragouina un juron impersonnel … et poursuivit sa passive contemplation des étoiles.
— Euh… Si ça peut t'aider à retrouver ton prénom… ma mère m'a dit tout à l'heure qu'elle a reconnu dans tes traits ceux d'une métisse à moitié sayenne. Alors peut-être que si tu cherches dans les noms usuels de cette race…Kat tiqua passablement - au moment d'entendre “métisse sayenne”.
Barta comprit qu'il lui avait appris quelque chose qu'elle ne savait pas.
— Des dizaines de fois supérieure à la vitesse du son dis-tu ? Intéressant…
— Je ne t'aurais pas communiqué mon prénom par hasard… avant de l'oublier ?
— Ton nom c'est Lupanar. Ton prénom… tu ne me l'as pas confié. Ou je ne m'en souviens pas.
— … Ok…
— Sinon, dis-moi, tu es bien sûre que ce portail mène vers la planète Terre ?
— En toute logique… oui.
— Sûre de sûre ?
— Oui…
— Intéressant, sourit Stanis.
— …
— Dis-moi, à supposer que je sois capable d'atteindre dix fois la vitesse du son, que se passera-t-il une fois que je serai passé de l'autre côté ? Attends… Permets-moi de reformuler ma question : à supposer que je parvienne à retourner sur Terre, qui se dressera entre moi et le siège d'Empereur ?
— …
Tagoma, Kiwi et Danmarine.
Je ne sais pas si tu les connais.
— Juste ces trois-là ?
— Je pense.
— Intéressant, sourit Barta.
— Après, ça fait pas très longtemps que j'ai rejoint l'Empire, donc je ne suis pas très au fait de l'organigramme, admit Lysandre Lupanar - qui ne s'écoutait plus parler depuis 3 bonnes minutes.
— Ah ça… je me doute bien que tu es nouvelle…
— Et à quoi tu vois ça ?
— Tu ne sembles pas savoir qui je suis.
— Je devrais ?
— Oui et non. Mais tu as reconnu mon visage tout à l'heure.
Ce qui veut dire que Danmarine et Kiwi n'ont pas aussi bien effacé les traces qu'ils l'auraient voulu.
— Effacer les traces ?
De quoi tu parles ? s'intéressa finalement Lupanar, qui se posa en tailleur pour se tourner vers Stanis.
— J'ai été banni par les deux frères.
Mon nom et mon visage ont certainement été gommés des registres. Et enfouis dans les mémoires.
— Banni comment ? Pourquoi ?
— Les deux frères voulaient le Gâteau-Monde pour eux tous seuls.
Du coup ils ont déporté - sur divers planètes - tous les Impériaux qui étaient plus forts qu'eux deux réunis.
J'en faisais partie.
Les sentiments contradictoires se bousculèrent dans la tête de la jeune fille – restée bouche bée.
Un seul mot retrouva le chemin des lèvres charnues de Boucle d'Or.
— Comment ?
— C'est long à expliquer. Ils ont profité de l'agitation durant la dernière guerre mondiale.
Le Sénateur Sorbet ainsi que le ministre Zâbon ont tous les deux collaboré.
— … Et tu voudrais retourner sur Terre pour réclamer des comptes à toute cette brochette de collabos ?
Et prétendre au fauteuil d'Empereur dans la foulée ?
— MAMA ! TU VOUDRAIS BIEN FAIRE MES VALISES AVANT D'ALLER TE COUCHER S'IL TE PLAIT ?
— ……… POURQUOI FAIRE ?!Barta ne répondit pas tout de suite. Il baissa le regard vers Lysandre…
… et dévisagea subitement cette dernière - intensément - sur un immense sourire brûlant, et un regard entièrement incendié, qui hissèrent haut le cœur de la jeune sang-mêlé.
— LA FILLE ET MOI ON SE CASSE D'ICI.