CHAPITRE 75
Ombres sinistres
– Hanabi, Hinata, arrêtez-vous.Les deux jeunes filles s'immobilisèrent, tendues comme jamais. Il fallait dire qu'en ces quelques jours, elles avaient eu l'occasion de rencontrer bon nombre d'agresseurs. Et tout ce qu'elles en avaient tiré, c'est la vision de l'inégalable talent de leur père et l'immense chemin qui leur restait à parcourir.
Dans un monde où la survie devenait la richesse première, les deux jeunes filles n'avaient même pas eu à combattre !
Mais vivre en situation d'agression potentielle – même avec un père aussi puissant – était quelque chose de particulièrement stressant et leurs nerfs commençaient à en souffrir. Hinata se surprit même à tourner la tête dans tous les sens, à la recherche d'un ennemi, sans même penser à activer ses précieux Byakugan. Elle se ressaisit cependant rapidement. Son mental s'était notablement endurci depuis la destruction de Konoha.
Assister à un événement aussi tragique avait de quoi transformer n'importe qui.
– Qu'y a-t-il, Père ? demanda Hanabi, rompant un silence qui se prolongeait un peu trop à son goût.
Celui-ci ne répondit pas tout de suite, restant immobile, à l'affût, dissimulé sur les hautes branches d'un arbre. Puis il bondit et atterrit par terre avec souplesse, invitant ses deux filles à en faire de même.
– Nous sommes arrivés, répondit-il alors simplement.
Sans même se regarder – du moins, en excluant les capacités du Byakugan – les deux filles surent qu'elles pensaient la même chose. L'attention constante imposée par leur voyage leur avait fait oublier leur objectif.
Elles se rappelaient maintenant que le but de tout cela était de trouver un certain individu...
Hiashi s'avança jusqu'à approcher d'une grotte obscure, puis s'immobilisa.
– À partir de maintenant, aucune erreur n'est permise.Hinata fronça les sourcils en remarquant le changement de ton de son père. Il semblait soudainement bien plus tendu.
Hanabi avait quant à elle remarqué un autre détail. Si le corps d'Hiashi restait immobile, sa maîtrise impeccable du flux de son Chakra semblait légèrement troublée, comme si ses émotions le taraudaient de l'intérieur.
– Père ? s'inquiéta la cadette.
Face à l'insistance muette de ses filles, le chef Hyūga prit une profonde inspiration.
– Je vais être franc avec vous. L'homme que nous recherchons était un problème, même pour le Sandaime Hokage. Pour être honnête, s'il devait nous attaquer...Il fronça les sourcils tandis qu'une goutte de sueur perlait sur sa tempe.
– Vous devriez fuir.Hinata s'approcha de son père.
– Est-il si dangereux ?
– Est-il plus fort que vous ? ajouta Hanabi, plus directe comme le voulait son jeune âge.
Elle avait tendance à idéaliser son père et le voir dans un tel état de stress était ce qui l'inquiétait le plus.
– Vous ne connaissez pas Orochimaru... murmura alors le charismatique chef Hyūga d'une voix harassée par la tension.
Il resta un bref instant silencieux, aux aguets, tandis que ses deux filles se positionnaient dans son sillage, concentrées mais non sans crainte.
– Allons-y, murmura alors Hiashi qui engagea la marche en direction du repère du plus terrifiant des Sannin.
Mais si son ton n'était pas bien serein, cela venait du fait que ses yeux perçants ne cessaient de lui donner la désagréable impression qu'on les observait ; et rares étaient les ninjas capables de tels exploits...
***
La maison de Muten Rōshi accueillait le repos des deux combattants les plus prometteurs de l'humanité. Après leur première semaine d'entraînement intensif, Krilin et Tien Shinhan s'étaient accordés une pause amplement méritée dans la demeure de leur aïeul.
La vie suivait son cours dans cette paisible cabane au milieu de l'océan. Le maître des tortues était occupé à suivre un énième cours de fitness présenté par des femmes dont on se doutait qu'il n'enviait pas les performances physiques. Un petit sourire coquin aux lèvres, le vieil homme ne semblait visiblement pas s'occuper de ses deux invités, ce qui exaspérait la tortue de mer qui l'accompagnait habituellement dans sa vie de solitude.
Bien qu'en repos, les deux jeunes prodiges ne pouvaient s'empêcher de faire parler leur sens du combat et ils avaient décidé de tester quelques mouvements sous l'eau. L'originalité de cette pratique s'associait à sa difficulté accrue, mêlant l'utile à l'agréable. Çà et là, les effets de leur opposition sous-marine se faisaient ressentir par d'importants geysers d'eau de mer qui éclaboussaient l'île du maître des arts martiaux.
– Une, deux ! Une, deux ! répétait celui-ci, en rythme avec ses mouvements du bassin.
– Vous ne vous lasserez donc jamais ? grommela la tortue qui l'observait d'un air blasé depuis la fenêtre.
– Tu dis ça parce que tu es jaloux de leur déhanché, répliqua le vieil homme, le regard focalisé sur la télévision.
Et je te signale que ces mouvements sont utiles pour les arts martiaux.
– Ben voyons, soupira la tortue.
Le reptile tourna la tête, comprenant qu'il était inutile de poursuivre une énième conversation de ce genre avec ce bougre borné.
Un nouveau geyser attira son attention. Suivant des yeux le mouvement puissant de l'eau qui lui retombait brutalement dessus, le pauvre reptile avait vraiment l'impression d'être la seule créature à peu près normale sur cette île de fous.
En rouvrant ses paupières trempées, la tortue remarqua alors le point dans le ciel qui approchait. Quelqu'un venait !
Se précipitant pour prévenir son maître, elle n'arriva toutefois pas assez vite car, déjà, l'invité inattendu posait pied à terre. Plissant les yeux, la tortue reconnut aussitôt sa silhouette svelte et sa longue chevelure sauvage.
Il portait une jeune femme dans ses bras, qui semblait de très mauvaise humeur.
– Bon sang, Yamcha ! s'exclama-t-elle.
Je t'ai dit que je pouvais voler par mes propres moyens !
– Avec quel Ki ? s'agaça Yamcha.
L'expression de son interlocutrice devint si violente que cela fut pire qu'une gifle monumentale. Le jeune brigand sembla quelque peu se recroqueviller par mesure de sécurité.
– Je te signale que j'ai des véhicules ! ET JE TE SOMME DE NE PAS ME PARLER SUR CE TON !La menace était évidente – bien qu'il fût difficile d'en savoir davantage, et Yamcha préféra ne rien rétorquer.
– Oh, mais cette voix douce n'appartiendrait-elle pas à notre chère Bulma ? réagit soudain le vieux Rōshi qui décolla pour la première fois les yeux de sa télévision.
La jeune femme l'ignora et entra dans sa maison sans s'y faire inviter. Au même moment, les deux combattants sortaient de l'eau, épuisés et trempés.
– On a senti le Ki de Yamcha, fit Krilin.
Où est-il ?
– Je crois qu'il est rentré calmer sa chère et tendre... chuchota la tortue tandis que la tête barbue du vieux maître des arts martiaux rencontrait violemment la vitre de sa maison.
– Bulma est là aussi ?Tous deux s'empressèrent de rejoindre leurs amis.
– Eh, ça faisait un bail ! s'exclama alors le brigand en voyant ses deux vieux amis.
– Yamcha, Bulma ! se réjouit Krilin.
Ça fait plaisir de vous voir ! Qu'est-ce qui vous amène ?Son enthousiasme naissant ne fut cependant pas partagé par ses vieux amis dont les expressions s'assombrirent soudainement.
– Que s'est-il passé ? demanda Tien Shinhan, réceptif à leurs réactions.
Les deux ne répondirent pas tout de suite. Bulma se contenta de regarder ailleurs tandis que Yamcha soupirait.
– N'avez-vous pas suivi les nouvelles des dernières heures... ?
– Pas depuis qu'on a quitté le palais de Kami... répondit Tien Shinhan.
– Notre... nouveau roi...
– Ne l'appelle pas comme ça ! coupa Bulma, tendue.
– ... a une annonce à faire au monde.Il se tut. Sa déclaration fut suivie d'un profond silence, personne n'osant se regarder pour imaginer ce que l'héritier du démon pouvait avoir en tête, à présent qu'il semblait avoir obtenu tous les pouvoirs.
Mais le souvenir terrifiant de la dernière apparition télévisuelle de Piccolo Daimaō ne pouvait être ignoré...
Le temps progressant sournoisement dans ce silence figé, incarné par le crépuscule qui tombait sur l'océan onduleux, rappela toutefois à Yamcha le but de sa venue.
Le jeune brigand prit la télécommande associée à l'écran qui projetait encore ses vidéos de fitness. Les formes avantageuses des femmes disparurent soudain, remplacées par tout autre chose...
C'était un démon qui n'inspirait que la peur chez les humains.
– Piccolo... murmura Muten Rōshi, dont le ton était devenu particulièrement sérieux.
Tien Shinhan fronça les sourcils tandis que Krilin se mettait à trembler.
On voyait en effet le terrifiant Piccolo monter sur l'estrade, laquelle lui donnait une allure encore plus anormalement grande en comparaison de la hauteur prévue par le cadre vidéo qu'il dominait par sa taille.
– Peuples du monde, annonça alors le terrible démon,
l'heure est venue pour moi de déclarer l'ouverture du vingt-quatrième Tenkaichi Budokai.Krilin, Tien Shinhan et Muten Rōshi eurent un même sursaut de surprise tandis que le tyran marquait une pause. Voir le redoutable fils du démon multi-centenaires Piccolo Daimaō annoncer l'ouverture de jeux, aussi martiaux fussent-ils, était totalement inattendu.
– Il est malade ?! s'exclama Krilin.
– Il ne s'attend quand même pas à ce qu'on participe... ! fit Tien Shinhan.
Yamcha hocha la tête avec perplexité.
– Le tournoi se déroulera dans le monde entier, reprit Piccolo à l'écran,
sur chaque continent, et ne prendra fin que dans plusieurs mois... Quand viendra l'heure de la récompense...
– Hein ?! ne put retenir Krilin.
Mais il est fou ?!Le vieux Rōshi fronça les sourcils.
– Les participants sont déjà désignés, poursuivit le démon.
Un sourire mauvais se dessina sur son visage acide, dévoilant toutes ses dents pointues.
– Chaque homme, chaque femme, chaque enfant de ce monde... Chaque individu qui m'observe... est qualifié.Un silence lourd s’abattit soudain dans la maison perdue au milieu des flots.
Tous se regardèrent tandis qu'un sentiment de profond malaise s'imposait.
– Félicitations, murmura d'une voix doucereuse l'impitoyable fils du démon.
Son expression retrouva sa sévérité habituelle.
– Les règles du tournoi sont simples, et se résument en un mot...Il fixa de ses yeux durs l'écran de la télévision, comme pour pénétrer chaque individu de ce monde qu'il dominait.
– ... Chaos.Tien Shinhan fronça les sourcils.
– Comment... ? murmura le vieil ermite des tortues.
– Je ne suis pas sûr de comprendre... murmura Krilin en fronçant les sourcils.
– Piccolo incite la population à générer du trouble, expliqua Yamcha.
– Mais comment compte-t-il les convaincre ?Tien Shinhan fronça les sourcils et se mit à trembler de rage.
– Il compte faire comme le Daimaō...Serrant les dents, il se souvenait de la première apparition du terrifiant démon sur les chaînes de télévision.
– Le désordre par la terreur...Yamcha le fixa avec des yeux horrifiés et fronça les sourcils.
– L'enfoiré... ! murmura-t-il d'un ton transpirant d'impuissance.
– Re... Regardez... intervint alors Krilin en pointant du doigt l'écran duquel les yeux s'étaient brièvement détournés.
– C'est... balbutia Bulma.
– Son Gohan ?!Le fils de Gokū se tenait aux côtés de Piccolo. L'innocence de l'enfant renforçait le sourire carnassier du démon.
– Son visage ne vous est-il pas familier ? reprit ce dernier.
Krilin serra les poings de rage.
– Le fumier...– Je vous présente... Le fils de Son Gokū !Éclatant d'un rire fou, le démon reprit toutefois rapidement calme et sérieux.
– Et voici son histoire...Il apposa sa grande paume verte contre l'objectif. L'écran s'obscurcit.
– Que fait-il ? interrogea Yamcha.
Soudain, comme pour répondre à sa question, l'écran sembla de nouveau s'illuminer. Mais ce qu'il affichait ne correspondait plus du tout à la salle dans laquelle Piccolo faisait son discours.
La scène se déroulait en extérieur, en pleine nuit. Le seul élément commun était le petit garçon, Son Gohan.
Rōshi fut le premier à comprendre la signification de tout cela.
– C'est son souvenir... C'est le souvenir de Piccolo !Cela paraissait à présent évident : il était à présent possible de voir la main caractéristique du démon se tendre devant lui, face au petit garçon apeuré.
– L'enfoiré... grogna Krilin qui détourna les yeux.
Il veut nous montrer la mort de Gohan... !
– Non, répliqua son maître d'un ton sombre.
Ce n'est pas seulement ce qu'il veut montrer au monde...
– Attendez... comprit soudain Tien Shinhan.
Ne me dîtes pas que...Le rayon d'énergie traversa en un instant la distance qui le séparait de l'enfant dont il transperça le cœur comme dans du beurre. Et le petit garçon tomba. Même si cette scène avait déjà eu lieu, en être à présent témoin était particulièrement bouleversant pour Bulma dont les larmes coulèrent inconsciemment sur le visage.
* J'espère que Chichi ne voit pas ça... *La scène horrifiante revint sur le présent. On pouvait de nouveau voir le jeune Gohan bien vivant. Et tout le monde dans la maison réalisait peu à peu les craintes de Rōshi.
– Vous vous demandez comment ce gamin peut respirer ? murmura le démon d'une voix sinistre.
Laissez-moi... vous montrer.L'écran changea de nouveau pour montrer un autre souvenir du démon : étaient à présent visibles sept boules de cristal, représentant chacune un nombre d'étoiles allant de une à sept.
– Montre-toi, Shenron ! entendit-on à l'écran de la voix du démon.
Et exhausse mon souhait !Les boules se mirent soudain à briller d'une lumière pulsante semblable à un pouls effréné. Soudain, une intense lueur dorée sembla s'en extraire et se développer dans les cieux obscurcis.
Et un dragon y prit vie.
Tous purent ainsi voir le démon exprimer son souhait de ressusciter le jeune fils de Son Gokū, et tous purent voir celui-ci, touché au cœur et incontestablement mort, à ce moment dans les bras de son père abattu par le chagrin, rouvrir les yeux alors même que l'impitoyable Piccolo allongeait son bras pour s'en emparer en profitant de l'état déplorable du guerrier qui le maintenait.
Quant à son autre bras, il se levait vers les cieux, là où s'étaient envolées les boules de cristal qui se transformaient en simples pierre. Et sa main attrapa en plein vol l'un de ces artefacts désactivés.
– Contrairement à son père, Piccolo ne compte pas utiliser la peur pour instaurer le chaos, analysa sombrement le vieux maître des tortues.
Les autres l'écoutèrent presque religieusement, ne se sentant guère la force morale d'ajouter quoi que ce fût.
– C'est par l'envie que le démon veut corrompre le cœur des hommes...Puis la scène se recentra sur Piccolo dont on pouvait clairement voir la pierre ronde qu'il tenait en main, comme pour corroborer les dires de Rōshi.
– Ceci est la récompense à qui s'illustrera le mieux durant cette période... Ce qui exhausse les souhaits... Les Dragon Ball !***
À distance importante du sol, mais suffisamment faible de la planète pour en capter les ondes hertziennes sur son écran de bord, un vaisseau gravitait en orbite basse autour de ce monde destiné au chaos. Cela faisait bien plusieurs jours qu'il restait là, invisible car trop sombre, immobile car géostationnaire, se laissant calmement porter par les lois de la gravité.
À son bord se tenait l'ex-gradé de l'Empire, Zakuzi, pour qui l'observation d'un nouveau monde ne semblait guère intéressante. Il fallait dire que l'oiseau humanoïde avait eu de quoi visiter bon nombre d'autres planètes, dans sa précédente carrière.
Mais son nouveau supérieur ne semblait pas de cet avis. Une fascination profonde se lisait sur son visage au voile mystique.
L'écran terminait de passer le terrifiant message du démon dominant le monde qu'ils observaient briller à travers le hublot, tandis que l'ombre du Soleil progressait sous leurs yeux, emportant avec lui le crépuscule d'une journée angoissante.
– Hmm... Euh... O... Orochimaru-sama ? murmura alors Zakuzi d'une voix incertaine.
Que faisons-nous ?Les pupilles en formes de fentes de son maître, reflétant en détails la planète qu'il observait, semblèrent pétiller d'éréthisme.
– N'est-ce pas évident... ?