Batroux a écrit:Tu as gâché ma vie.
Pensyves a écrit:J'ai adoré ce chapitre style journal d’expérimentations, c'ets excellent!
Kurama_Senju a écrit:Encore un format innovant, c'est top, et même si ça génère davantage de questions que ça n'y répond pour le moment... j'en suis ravi, vu que ton rythme d'autrefois a repris !
Batroux a écrit:Tu as gâché ma vie.
Tranquillement assis dans le transport qui les menait au domaine familial Adimbots, Chenki regardait paresseusement le paysage. La mégapole planétaire aux habitats denses avait progressivement laissé place à une ville plus dispersée, elle-même vaincue par les plaines et les vallées travaillées depuis des générations par les kheyens. Ici et là, des machines agricoles, devinait Chenki, s'offraient à sa curiosité.
Le véodien tourna la tête vers son jeune compagnon, assis à gauche. Il mit quelques secondes à associer Mesh à l'être habillé à la mode galactique standard. Une petite personne à la peau claire et à la tête emmailloté qui était, comme lui tantôt, attiré par le panorama de ce monde qu'ils foulaient pour la première fois. Les jambes de Mesh, pas assez grandes pour toucher le sol, battaient en l'air au rythme de son impatience grandissante. Son attente forcée touchait à sa fin, les vibrations de la machine changeaient de fréquence.
-Nous arriverons à destination sous peu Monsieur.
La pilote avait légèrement tourné la tête pour lui parler et reprenait sa position initiale, caché derrière son siège.
-Hu-hum, très bien, il était temps, répondit Chenki avec sa voix de circonstance grave et qui, il l’espérait, dégageait l'assurance d'une personne habituée aux transports privés de l'élite.
Leur guide ne broncha pas plus, à raison. Leur altitude baissait tranquillement, le ventre de leur transporteur se laissait doucement caresser par les cimes des plus arbres les plus haut. Enfin, la végétation dense qui les avait surpris tantôt perdit de la vigueur comme elle s'était imposée, tirant sa révérence face à un champ qui s'étendaient à perte de vue. Les bosquets et les mignonnes haies basses qui délimitaient les immenses carrées de terre rouge n'avaient rien de naturels. Le véodien pouvait immédiatement voir le travail, la patience et la ténacité des centaines de générations qui avaient foulé cette terre depuis des millénaires.
Mesh se leva de son siège et se flotta devant le hublot.
-Un peu de calme, gronda Chenki.
L’intéressé se tourna et posa les pointes des pieds au sol, lançant un regard agacé à Chenki.
Heureusement que leur escorte ne s'était pas retournée.
Chenki sentit le vaisseau se stabiliser avec un grondement sourd. Puis tout s'arrêta, libérant la pression qui, sans qu'il ne s'en rendre compte, faisait pression sur ses oreilles depuis le début de leur voyage.
-Monsieur Gueff, nous voilà arrivés à bon port, informa la pilote tandis que les portes latérales s'ouvrirent des deux côtés de l'appareil.
La lumière naturelle, plus du tout, filtrée par les vitres teintées de l’appareil, l'accueillait pendant qu'il descendait les marches qui se déployait sous ses pieds trifides. Le marchepied reposait sur une allée de briques vertes menant à un manoir à la mode kheyenne, tout en rondeur, à moitié enterré dans le sol. Le pays rouge fusionnait avec l'habitation, dont elle constituait les murs et les toits, dans une remarquable symbiose entre la terre, le bois, le métal et le verre.
Mesh, qui était sorti de l'autre côté du taxi, avait rejoint Chenki et observait aussi la bâtisse principale du domaine. Entre temps, les deux individus qui empruntaient le chemin et se dirigeaient vers eux les avaient atteints. Une femelle et un mâle typique des humanoïdes de cette région de l'espace. Leur peau foncée aux reflets violacés était mise en valeur par des vêtements à la coupe et aux couleurs sobres et élégantes, marqueurs de leur statut social certain. La femme prit la parole :
- Monsieur Gueff, je suis Rodo. Je suis ravi de vous accueillir.
-Tout le plaisir est pour moi Rodo. Voici Kim, mon jeune apprenti.
Les hôtes se tournèrent vers Mesh et le saluèrent poliment. Interpellé, ce dernier mit quelques secondes à répondre correctement.
-J-Je, euh, enchanté.
Les kheyens ne se formalisèrent pas de cette courte réponse.
-Si vous voulez bien nous suivre.
Les deux hôtes se retournèrent et laissèrent Chenki et Mesh avancer avant d'encadrer leurs invités en marchant au même niveau qu'eux.
-J'espère que vous avez fait bon voyage, commença l'homme.
-Tout s'est bien passé, répondit Chenki.
Mesh ne s’intéressait pas aux platitudes que lançait l’humanoïde pour entretenir la conversation.
Il observait la demeure centrale du domaine, qu'ils approchaient tranquillement. Elle était bien plus imposante qu'elle en avait l'air vu du véhicule volant. Ils mirent quelques bonnes minutes, à pas tranquilles, pour être en face de la lourde porte de bois sûrement précieux qui délimitait l’intérieur du manoir. Celle-ci coulissa lentement et sans bruit.
-Après-vous.
Chenki pénétra avant Mesh, leurs hôtes après eux, pendant que la porte se refermait comme elle s'était ouverte, en toute discrétion. La pièce dans laquelle ils se trouvaient, un atrium à l'éclairage naturel, était simple. Des portraits et des holos trônaient sur les quatre murs sombres qui les entouraient. Tout dans cette entrée respirait la sobriété, la puissance, l'assurance d'une famille établie depuis longtemps, analysa rapidement Chenki.
Les deux serviteurs se placèrent à nouveau devant eux
-Si vous voulez bien me suivre jusqu'aux appartements de la présidente.
Chenki et Mesh obtempérèrent. Le quatuor se dirigea vers la porte grise à l'opposé de la porte d'entrée. Sa surface s'estompa alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres, les laissant pénétrer un couloir éclairé par des sortes de chandeliers aux lumières artificielles. Mesh se détourna après de longues secondes de ces lueurs bleues glacés qui lui plaisaient tant. Le couloir déboucha sur un jardin intérieur aux murs de briques anciennes. Enfin pour les parties visibles, tant les plantes grimpantes imposaient sur tous les pans leur loi. Chenki avisa la largeur de ce parc intérieur. Il ne put toutefois voir le fond de celui-ci. L'horizon était bouché par des bosquets et des plans d'eau qui s'étendaient aussi loin que portait son regard.
Proche d'eux, une femelle humanoïde aux cheveux blancs, tranquillement assise sur un canapé de fibres naturelles, semblait lire. Près d'elle, une table et des fauteuils, deux.
-La présidente vous attend, s'inclina la servante.
-Merci, répondit doctement Chenki.
Mesh le devança, sous le regard étonné de leur escorte toutefois assez avisée pour ne rien dire d'incommodant. Chenki rejoignit son « apprenti » au-devant de l'humaine.
-Et bien, monsieur Gueff ? Mettez-vous à votre aise.
-C'est bien cela, répondit avec assurance Chenki.
Mesh n'avait pas attendu la permission de l'humaine pour s’asseoir. Elle ne s’intéressait même pas à lui de toute façon. Chenki continuait à pérorer avec elle.
-Je vous remercie pour votre réception si rapide. Comme je vous l'ai indiqué, avec la stabilité qui revient dans les mondes, les opportunités d'affaires ne manquent pas. Votre compagnie est reconnue à travers les étoiles pour son expertise. Le groupe que je représente souhaiterait nouer de fructueuses relations avec le vôtre.
-Et bien vous n'y allez pas par quatre chemins, monsieur Gueff. Ce n'est pas pour me déplaire, je déteste ceux qui me font perdre mon temps.
-Nous sommes sur la même longueur d'ondes.
-Très bien. J'ai parcouru rapidement le profil de votre compagnie ainsi que vos besoins. Nous pouvons vous fournir des administrateurs et du personnel de gestion en adéquation avec ceux-ci. Parlons un peu plus en détails de vos projets, peut-être pourrions-nous vous apporter d'autres solutions.
-Certainement, présidente, certainement....
Ça y est. Chenki débitait les mensonges qu'ils avaient mis au point, mentant avec aplomb et sérénité. Mesh n'écoutait qu'à moitié l'argumentaire qu'il connaissait par cœur. La « présidente » répondait, posait les questions auxquelles ils s’attendaient, quelques fois d'autres non prévues. Mais Chenki savait toujours quoi répondre, en tous cas bien mieux qu'il ne l'aurait fait.
Mesh observa plus attentivement la chef de la compagnie. Totalement humanoïde. A part sa peau sombre aux reflets violacés, on aurait pu la trouver sur Terre. Son visage ridé était la marque de son âge avancé. Elle était vieille et avait plus de souvenirs que d'avenir devant elle, normalement. Son regard pétillait toutefois d'intelligence, et de vivacité, il le percevait quand elle le regardait brièvement.
Mesh leva la tête. Le jardin était surmonté par une paroi translucide, il ne l'avait pas vu à son premier coup d’œil. Les plantes et les essences qui les entouraient dégageaient des odeurs qu'il aimait bien. Des insectes voltigeaient autour des fleurs et des feuilles multicolores. Avec des robots espions déployés un peu partout dans le domaine, leurs recherches auraient été plus fructueuses. Mais bon, ils devaient faire avec ce qu'ils avaient, c'est à dire pas grand-chose. Enfin, Chenki se montra plus incisif et en vint à ce qui les intéressait :
-…Les représentants de votre groupe, dont mes contacts d'affaire m'ont parlé, ont semblé avoir toute leur satisfaction. Vous pouvez les louer pour leur professionnalisme.
-Je n'y manquerais pas, monsieur Gueff.
-On m'a parlé d'une certaine Mayak?Pardon, Malkiat je crois. Ces services semblaient très appréciés.
Chenki crut voir le visage de la présidence se crisper pendant un infime laps de temps. Il semblait plus sensible aux variations d'expressions depuis qu'il percevait mieux le ki des gens. La présidente arborait une face toujours avenante mais plus fermée. Peut-être avait-il vu ce qu'il voulait voir.
-Je ne connais pas la probité de vos contacts. Je ne doute pas de la vôtre, mais j'ai peur que l'on vous ait fait une très mauvaise plaisanterie.
-Pardon ? s'étonna Chenki.
-Malkiat, ou Mayak, sont des prénoms courants ici. La personne dont on vous a dit tant de bien à des homonymes par milliers, difficiles de la retrouver si vous ne n'avez pas plus d'éléments à me fournir.
-Je… Je tacherais d'obtenir plus d'informations, veuillez pardonner mon ignorance, s'écrasa platement Chenki.
C'était la première bévue qu'ils commettaient, même Mesh s'en rendit compte.
-Je ne vous en tiens pas rigueur, monsieur Gueff.
-Huhum... Je vais transmettre votre proposition de partenariat à mes supérieurs sans tarder.
-Bien.
La présidence se leva, signe qu'elle prenait congé d'eux. Mesh se redressa avant Chenki.
-J'ai été ravi d'avoir eu cet échange avec vous, madame la présidente.
-Moi de même. C'est le début d'une fructueuse collaboration entre nos deux groupes, j'en suis sûre.
Les hôtes qui les avaient escortés revenaient déjà pour les conduire à la sortie du jardin et du domaine.
Chenki et Mesh firent le chemin inverse en silence. Alors qu'ils étaient dans l'atrium, Mesh remarqua parmi les holos et les tableaux un qu'il n'avait pas vu à leur premier passage.
Deux femmes, deux jumelles se ressemblant comme deux gouttes d'eaux.
-C'est qui ? les pointa-t-il du doigt.
-Ces vénérables personnes sont les représentations de la lignée de notre présidente. Vous n'en voyez que les derniers membres, la dynastie remonte à des temps immémoriaux.
-Oui mais elles, c'est qui ? insista Mesh.
Il se justifia devant l'air intrigué de leur escorte.
-Elles sont jolies, mentit-il.
Les domestiques se jetèrent un coup d’œil indéchiffrable puis la femme répondit à Mesh.
-Ce sont les filles de notre présidente. Malkiat et Malyat, héritières de la Compagnie si le destin l'avait voulu. Elles ont disparu dans un terrible accident, une tragédie pour nous tous.
L'homme soupira et recommença à marcher.
Mesh n'ajouta rien, tout comme Chenki. Ils furent silencieux jusqu'à leur retour dans la capitale...
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