Salut Lamantin,
Alors j'ai effectivement pris pas mal de retard pour pas mal de raisons, notamment que le chapitre est, en l'état actuel, de loin le plus mauvais. Je dois dire que la qualité de la saga namek originale me met pas mal de pression, et que j'avais fait une erreur de scénar repérée à la der par un pote que je ne sais toujours pas comment gérer. Accessoirement, j'ai eu une grosse surcharge de créativité entre le clip et le taf, et je suis vraiment fatigué.
Bref, tout ça pour dire que je n'ai pas arrêté d'écrire (au moins une heure chaque jour…) mais que pour diverses raisons le résultat est mauvais. J'espère cependant publier encore cette semaine, ce WE au plus tard, une longue partie. Voilà où j'en suis, j'espère que ça satisfait ta curiosité
Sinon, ton com m'est allé droit au cœur. Merci.
EDIT:Bon, l'autre soir, j'ai piqué un trip sur le tchatt et il en est sorti ça. Ça s'est fait en une petite heure sur le thème: écrire 30 paragraphes sur l'index.
Bref, je l'ai relu tout à l'heure et j'ai eu envie de le partager => partage.
L'indexParfois, il me manque.
Bien sûr, ça semble facile à dire. Facile à comprendre. C'est autre chose de le vivre. On ne se rend compte de la chance qu'on a de posséder quelqu'un ou quelque chose que lorsqu'il vient à nous manquer.
Alors, ce soir-là, j'étais comme un con -on l'est toujours à cet âge-, posé sur mon canapé à fumer un énième joint. J'avais beau prétendre que je maîtrisais la situation, je ne parvenais même plus à les compter. Et ça ne semblait pas me poser de problème.
Ouais, on est vraiment con à cet âge-là.
Bref, comme tous les soirs, je fumais et je jouais de la guitare. Qu'il y ait des potes ou non, ça revenait au même. Dans le premier cas, je jouais pour eux, dans l'autre je jouais pour moi. L'important, c'était de jouer. Et aujourd'hui encore, je pense que j'avais raison. Oh oui ! Comme j'avais raison… La situation actuelle ne me le rappelle que trop souvent.
Notre premier gros concert, c'était dans la grande salle communale. On avait fait une publicité incroyable. A l'époque, on n'avait rien d'autre à foutre que de trainer avec des potes. Du coup, on en avait beaucoup. Ou du moins, on le croyait. Les amitiés se faisaient ou se défaisaient au gré des filles, des notes et de la bière. Des hectolitres de bières qui coulaient et qu'on ingurgitait sans vergogne. On n'avait pas mieux à faire, de toute façon. On ne faisait qu'occuper un temps qui semblait infini, en essayant vaguement de comprendre ce qu'on pourrait en faire.
Et comme on avait beaucoup d'amis, beaucoup d'entre eux étaient venus.
La salle était pleine. Mais je m'en foutais. L'important, c'était qu'il y avait Linda.
Linda, elle était belle comme le jour. Ou plutôt, comme mes nuits que je passais à penser à elle. J'avais su immédiatement que cette fille était spéciale. A la seconde où je l'avais vue. C'était mon premier jour de lycée. J'étais en retard, comme d'habitude, et elle m'avait regardé entrer dans la classe avec cet air mutin qui m'avait frappé au cœur. Evidemment, la seule place libre était à ses côtés, alors je me suis approché et je me suis assis, un sourire un peu gêné au bord des lèvres. C'est à ce moment que je l'ai senti.
Son parfum.
Un parfum envoûtant, sucré, saisissant, qui s'est emparé de mon cœur et de mon corps en un instant. Et ce moment reste figé dans ma mémoire comme l'un des plus beaux de mon existence. Il y restera sans doute à jamais.
Jusqu'ici, tout était chimique. Mais ensuite, elle s'est mise à parler. Et là, je n'ai plus vraiment compris ce qui se passait. Jusqu'ici, l'amour, c'était quelque chose que je vivais comme un concept. Une idée qui appartenait “aux grands” et que je m'efforçais de réaliser par mimétisme. On est des singes, après tout.
Mais avec elle, tout prenait du sens. Elle n'avait pas ce corps de déesse qu'on voit dans les magazines, ou ce visage fin et gracieux des pin up sur les affiches. Mais tout dans ses gestes et dans son regard, tout dans son odeur et dans son rire, dans ses propos comme dans ses remarques m'incitait à la désirer plus que tout. Je n'avais qu'une idée en tête : qu'elle m'aime, elle aussi, pour ce que j'étais.
Bien sûr, j'avais ma fierté. Je n'allais quand même pas m'abaisser à lui dévoiler mes sentiments avec de simples mots. Il fallait que la manière dont je lui déclarerais ma flamme soit à la hauteur de ce que je ressentais: inoubliable. Ça devait être unique et je ne savais pas comment m'y prendre. Et puis, existait-il seulement, dans notre langue, des mots suffisamment forts pour qu'elle comprenne toute l'étendue de mes sentiments ?
Après avoir chiffonné plus de deux cents pages, la réponse s'était imposée d'elle-même : non. Il n'en existait pas. En revanche, dans le même temps, les événements m'avaient amené à étudier une toute autre forme de communication : la musique.
Mû par mes instincts les plus profonds, je passai des heures entières à imaginer Linda s'extasier devant mes prouesses musicales. C'est ce qui me poussait en avant dans l'étude des gammes et des modes. Ce qui me faisait reprendre un phrasé mal maîtrisé quand mes doigts saignaient déjà, usés par d'innombrables frottement contre les minces tiges métalliques sur lesquels ils s'échinaient, des heures durant, afin de reproduire à la perfection les sentiments qui m'animaient sous la forme de sons et de silences.
Ce que je souhaitais réaliser, c'était l'harmonie parfaite des sons, des idées et des corps.
De nos corps.
Le sien et le mien, unis dans une dimension qui échapperait à tout autre mais dans laquelle nous pourrions nous retrouver. Seuls au monde. Heureux.
C'est cet idéal fou - je m'en rends bien compte aujourd'hui- qui présidait à chacune de mes actions. Quand je persuadai une section rythmique d'accompagner mes accords. Quand je réussis à convaincre une amie de chanter mes textes. Quand je trouvai quelqu'un pour préparer des costumes, s'occuper du son, gérer les lumières… A chaque fois, je n'avais, secrètement, qu'un seul idéal : toucher enfin le cœur de Linda. Quelle naïveté ! Mais on est fait comme ça, paraît-il, à cet âge.
Et puis il y a eu le premier concert. La salle était pleine à craquer, on avait même dû refuser du monde. Mais, encore une fois, je ne voyais qu'elle. Celle qui était à l'origine de tout. Celle qui présidait, sans le savoir, à cette orgie sonore et énergétique qui emplissait la salle. Celle qui riait avec ses amies, tandis que j'égrainais mes premières notes à la guitare. D'un rire que je pouvais entendre dans le tumulte ambiant, même s'il ne me parvenait pas, tant je le connaissais bien. Un rire qui avait noyé mes nuits dans des mers de désir, des océans d'extase et dans des fantasmes inavoués.
Alors, nous avons commencé à jouer. Ensemble. Et tout fut parfait. Au milieu du second morceau, elle ne parlait plus.
Elle me regardait.
D'un regard plein de tendresse, d'admiration et de désir.
Je crois que c'est ce soir là que, pour la première fois, j'ai eu la sensation d'être un homme.
Cette nuit, après que nous eûmes fini de jouer, une fois que seuls les quelques réfractaires à la fin d'une soirée mémorable se furent réuni pour chantonner un dernier air de guitare sèche, en cercle, autour de moi, dans un moment où elle me regarda de ses yeux noisettes, la tête légèrement penchée sur le côté, j'eus enfin le courage de me pencher vers elle.
De lui, dire, doucement, dans un murmure, à l'insu de tous, tout l'amour qui m'avait animé, par des mots simples et maladroits, tels qu'on en utilise à cet âge-là.
Et puis nous avons fait l'amour. Pour moi, ce fut la première fois. Pour elle, je n'ai jamais vraiment su. Quand on est un homme, il est des questions qu'il vaut mieux ne pas poser, sous peine de ne plus être un homme aux yeux de celle qu'on aime. C'est triste, mais c'est comme ça. On apprend vite à vivre avec.
Mais dès le lendemain, ça n'était plus pareil. La magie avait cessé d'opérer. Je ne suis pas sûr qu'elle ait vraiment su toute l'implication, toute la véracité de ce qu'il y avait dans mon amour pour elle. Mais ses mots avaient été clairs :
« – C'était une erreur. Je ne t'aime pas. »
Ce soir-là fut l'un des plus longs de mon existence. Sur le moment, tout m'avait semblé naturel. Et puis, j'étais défoncé… Quelle belle excuse… Ce que nous avions vécu était unique. Ça ne pouvait pas se reproduire. Ça ne
devait pas se reproduire. Il fallait que j'en sois certain. Que je ne me laisse aucune alternative. Il ne fallait pas que je flanche. Si, par malheur, je devais céder dans un moment de faiblesse, et recommencer avec une autre ce que nous avions vécus – ou, devrais-je dire, ce que j'avais vécu-, alors, ça lui enlèverait tout son sens.
Car l'Amour ne se pratique qu'au singulier. c'est ce que je croyais au plus profond de mon cœur.
Alors, ce soir-là, j'étais comme un con -on l'est toujours à cet âge-, posé sur mon canapé à fumer un énième joint en jouant une chanson triste à la guitare. Et tout m'avait paru clair. Tout me semblait naturel, quand je suis entré dans la cuisine, quand j'ai saisi la lame, et que je m'en suis servi pour mutiler à tout jamais ma main gauche. Ainsi, j'étais sûr que plus jamais je ne reproduirais avec une autre ce qui nous avait unis.
Mais quand même…
Aujourd'hui, parfois, il me manque.