Merci pour votre ré-accueil enthousiaste

Je vais répondre sur la suppression des suffixes. Tout d'abord, j'entends bien tes arguments, Makai, quand tu dis que la troisième édition devrait s'adresser plus aux fans purs et durs. Or, ce n'était pas l'objectif de Glénat. La Perfect devait à la fois faire plaisir à la communauté de fans mais également séduire un public plus large qui aurait une nouvelle occasion de découvrir DB. C'est pour cette raison que tous les japonismes excessifs ont été gommés.
Quand j'ai commencé la traduction de DB, en 2002, j'avais à peine un an d'expérience dans la traduction professionnelle. J'avais beaucoup moins de recul vis-à-vis de la langue japonaise et j'ai voulu partager avec les lecteurs l'expérience que j'avais eue en redécouvrant DB en VO. C'est pourquoi j'ai conservé la plupart des suffixes "emblématiques" comme Son-kun, Piccolo-san, etc. Au niveau des termes et des noms des personnages, j'ai eu carte blanche sur la V2 et c'est elle que je dédiais véritablement aux fans. En gros, elle aurait été ma "director's cut" (;p) si elle ne présentait pas les énormes problèmes d'impression qu'on lui connaît (ainsi que de nombreuses inversions de bulles, interventions inopportune du correcteur et j'en passe...)
Quand je me suis attelée à la correction de ma première trad pour la Perfect, je n'avais plus 22 ans mais j'approchais de la trentaine, avec presque 10 ans de traduction de manga intensive (c'est mon travail à plein temps). Avec l'expérience, on apprend à se détacher du japonais pour proposer un texte où l'adaptation a de plus en plus de place. Parce que les suffixes honorifiques, ça peut être typique et divertissant quand on a quelques notions de la langue, mais la grande majorité des lecteurs n'est absolument pas familiarisée avec ces particularités du japonais. De plus, même quand on sait en gros que -san veut dire monsieur, madame, que -kun est un suffixe plutôt affectueux pour garçons et -chan un suffixe affectueux pour les filles, eh bien on est loin d'avoir fait le tour de toutes les nuances que peuvent apporter ces petits mots. Par exemple, Gohan appelle son mentor Piccolo-san. On pourrait être surpris de constater qu'il appelle "monsieur Piccolo" (j'exagère exprès) quelqu'un d'aussi proche de lui. Parce que le public français n'a pas toutes les références culturelles pour savoir que dans ce cas précis, -san ne marque pas la simple politesse mais le respect admiratif.
En résumé, conserver les suffixes dans une version qui se veut fidèle à l'originale n'a pas de sens, car il y a en français des tas de moyens de signifier par exemple la proximité entre les personnages autrement que par de simples appellations : par un registre de langage plus familier, plus détendu, etc. Les lecteurs japonais ont immédiatement les références culturelles pour savoir quel lien unit les persos grâce aux suffixes. Le rôle du traducteur adaptateur est de faire de son mieux pour rendre ce lien aussi évident en français, en maniant sa langue maternelle et sans recourir à des facilités qui ne servent pas l’œuvre, au final.
Après, je suis une grande fangirl comme vous, et quand j'ai découvert DB en VO j'étais toute fofolle de voir que presque tous les personnages appelaient Gokû d'une manière différente ! Mais il faut savoir faire la part des choses et ce que je regrette, c'est que l'édition de la V2 ne soit pas de meilleure qualité pour que les fans ayant envie de lire une version plus proche du japonais (ce que je différencie sensiblement d'une version "fidèle" au japonais) puissent quand même se faire plaisir.
Sbjoern, je suis globalement d'accord avec ta vision de l'adaptation. Mais il me semble que dans l'exemple de City Hunter que tu cites, c'est l'inverse : c'est dans la première édition, celle de J'ai Lu, que les érections de Ryô sont rendues par un "coucou" et c'est dans la nouvelle édition Panini que le terme à été remplacé par "mokkori" pour plaire aux fans qui réclamaient ce mot emblématique. C'est un bon exemple de ce qui arrive quand le manga et ses termes japonais deviennent si populaires que le fan est déçu de ne pas les retrouver dans la traduction alors qu'avec un peu de recul, on se rend compte que ça nuit à la compréhension globale et surtout, dans ce cas précis, à l'humour de la situation.
Moi, ce qui me chagrine le plus dans la Perfect, c'est la suppression des allongements sur les voyelles. C'est pour rendre la lecture moins lourde mais en tant que japonisante, je trouve que ça dénature le sens. Gokû et Goku, c'est pas pareil ! Mais je sais bien que c'est un détail pour beaucoup de lecteurs. Comme quoi, on n'accroche pas tous sur les mêmes défauts !
