Il faut savoir que beaucoup ne parlent jamais de ça... entre celles qui pardonnent et préfèrent faire comme si elles avaient oublié, et la honte...
Dans ma propre famille, peu se doutent du calvaire que ma mère a pu subir. Bien entendu, tout le monde connait la maladie de mon père, puisque c'en est une, même si on ne peut l'obliger à la soigner, certains savent qu'il s'est montré parfois violent, mais personne ne peut imaginer ce que cela implique vraiment à part ceux qui l'ont véritablement vécu.
Le mieux, c'est qu'étant enfant, au plus profond des nuits de terreur que j'ai pu vivre, j'avais autant peur pour ma mère ou mes frères et sœur que pour le fait que mes parents se séparent. Dans mon cœur égoïste d'enfant, il m'était insupportable de pouvoir vivre sans mes deux parents !
Je souligne que mon père n'était pas qu'une brute avinée... il n'était pas soul du matin au soir, mais essentiellement le week-end à l'époque... et c'était par ailleurs un homme vraiment brillant, d'une intelligence remarquable... reconnu, aimé et respecté dans son milieu professionnel et qui savait fort bien briller en société, un véritable manipulateur en fait...
Je parle de tout cela au passé, parce qu'aujourd'hui, il n'est plus qu'une pathétique épave, une ombre brûlée de l'intérieur par l'alcool, une pauvre chose qui s'étiole un peu plus chaque jour dans un corps ravagé par les excès, un cadavre que je regarde marcher vers la mort sans la moindre compassion. Je ne suis pas ma mère, mon amour de fillette s'est consumé dans la révolte de l'individu qu'il a cherché à briser en moi et dans tout le mal qu'il nous a fait à tous... je ne lui pardonnerai pas.
C'est sans doute le combat qu'il m'a forcée à mener pour gagner le droit d'être moi-même qui fait que mes propos soient parfois plus vindicatifs que je ne le souhaiterais. Même avec le temps, les réflexes d'auto-défense sont tenaces et j'ai toujours autant de mal à baisser ma garde, à offrir le moindre point de vulnérabilité. Donc c'est vrai que je puis parfois être une chieuse, mais j'essaie de me soigner votre honneur...
