Je reviens là-dessus parce que je viens de lire que Grima, dans le livre, est tué par des archers hobbits alors qu'il égorge Samourane. Ça fait très longtemps que je n'ai pas relu le livre donc je ne me souviens pas si ça se passe comme ça, mais au final ce n'est pas différent de la version cinématographique.
Ça se passe bien comme ça, mais la ressemblance avec le film n'est qu'apparente. Les seuls points communs sont : Grima égorge Saruman, Saruman meurt tué par une flèche. Dans le film, si je me souviens bien, Grima tue Saruman pour des raisons franchement futiles : parce que la bataille est perdue. De plus, on le voyait interagir avec Saruman de façon calme, pas d'égal à égal, certainement pas, mais on voit tout de même que Grima participe à l'élaboration des plans de Saruman (quand il dit que les Rohirrim voyageront par la montagne et qu'on pourra en profiter, quand il révèle la faille de Fort-le-Cor) : sa parole est écoutée et prise en compte. Rien de tout ça dans le bouquin, où il n'arrive en Isengard qu'après sa submersion par les Ents, et où Sylvebarbe le force à entrer dans Orthanc. Il est dit plusieurs fois (par des sages comme Sylvebarbe ou Gandalf) qu'être enfermés ensemble relève pour ces deux-là plus du châtiment que de la consolation. Il est vrai que lorsque Grima balance le Palantir sur Gandalf et le manque de peu (ça se passe ainsi dans le livre), Gimli dit qu'il a peut-être manqué son coup parce qu'il ne savait pas lequel des deux magiciens il détestait le plus, et Gandalf répond que c'est possible, mais cela reste de l'ordre de la supposition, de un, et de deux, cela introduit le meurtre véritable (selon le procédé littéraire de la répétition cher à Tolkien). Et lorsque le véritable meurtre se produit, bien plus tard, Saruman a été de plus en plus loin dans l'avilissement de Langue-de-Serpent. Ce dernier est véritablement traité comme un chien battu (Saruman lui donne des coups de pieds, lui crie des choses comme "suis ton maître!") et ne parvient pas à quitter Saruman, malgré son désir de le faire. Et c'est lorsque Frodo lui donne une seconde chance, disant que Saruman, qui s'était bien nourri, doit dégager, mais que lui peut rester à Cul-de-Sac le temps de reprendre des forces, car il était toujours sous-alimenté, au moment où Grima entrevoit la possibilité inattendue d'être pardonné, de se racheter, et de commencer une nouvelle vie loin de l'ex-magicien, que ce dernier révèle à tout le monde que c'est Grima qui a assassiné l'ancien maire...et l'a bouffé. À ce moment, Grima fond en larmes (si mes souvenirs sont bons) et dit que c'est Saruman qui l'y a forcé, ce à quoi Saruman répond que maintenant, il lui ordonne de le suivre. Et c'est seulement à ce moment que Grima le poignarde dans un moment de fureur. C'était l'unique issue pour lui qui avait été réduit à moins que rien. À ce moment-là, il avait
vraiment tout perdu par la faute de Saruman, jusqu'à sa dignité humaine la plus élémentaire. Quant à la mort de Grima, est le fait de figurants Hobbits rendus furieux contre l'assassin de leur maire que tout le monde aimait bien. Pas d'un "héros" elfe qui semble décocher par pur réflexe, comme s'il n'était rien d'autre qu'une machine à tirer sur les "méchants". Ça rejoint ma critique sur le traitement de la Bouche de Sauron. Dans le monde de Tolkien, la mort n'est jamais traitée à la légère, encore moins la mort donnée. Il n'y a qu'à voir le petit réquisitoire de Gandalf contre la peine de mort en début de roman, que le film a transporté dans la Moria. Dans le livre, ce qui est appelé la pitié est une règle de conduite ; dans le film, c'est l'exception de Bilbo et de Frodo envers Gollum : pour et par les Hobbits, en gros.
vu la breveté de la scène, c'est pas ce qu'il y'a de plus marquant pour moi
C'est bref, mais révélateur. On assassine un type qui n'était même pas menaçant, juste désagréable, et puis on passe à autre chose. Au passage, quel exemple pour les hommes de voir leur futur roi décapiter tout un coup un type avec qui il était en train de parler calmement l'instant d'avant.
Ouais et puis je sais pas, j'ai du mal à considérer l'assassinat d'un tel personnage comme déplacé, peu importe la manière. (la Bouche de Sauron)
"Un tel personnage"? On ne sait même rien de lui, rien de ce qu'il a pu faire de mal! Certes, sa sale gueule joue contre lui, mais pour autant qu'on sache, il n'a peut-être jamais tué personne! Bien sûr, c'est certainement un salopard, mais c'est un peu léger pour condamner quelqu'un à mort. Selon cet exemple, Bilbo aurait dû poignarder Gollum quand il en avait l'occasion, et on sait comment ça aurait fini. Je reviens sur le speech de Gandalf, pour qui la pitié consiste à "ne pas frapper sans nécessité" ; dans le feu d'un combat, oui, jamais en-dehors. Je persiste à dire que cette scène est tout-à-fait anti-tolkienne.