Sur les conseils de RMR qui me disait "Quant à parler du doublage en général et du travail d'Eric Legrand, je ne peux que lui conseiller de se créer un topic personnel au salon. Dans ce topic personnel, vous pourrez parler de n'importe quoi qui vous concerne sans être embêté par des histoires de "sujet du topic"." j'ouvre donc ce topic que je ne vois pas comment intituler autrement qu'en lui donnant mon nom, au risque de paraître prétentieux.
Vos questions y seront les bienvenues, et me permettront peut-être aussi de remettre quelques pendules à l'heure.
Et, à propos de pendules, je voulais dire que je viens de lire toutes les interventions qui ont été faites ici http://www.lunionsacre.net/viewtopic.php?t=3640 sur la V.F. de Dragon Ball.
Vos crêpages de chignon m'ont beaucoup amusé, ainsi que certaines critiques violentes que j'ai pu voir sur mon travail en particulier. Je comprends parfaitement qu'on n'aime pas ce que j'ai pu faire sur Végéta, par exemple et pour ne parler que de lui, je ne le discute évidemment pas (je ne suis d'ailleurs pas sûr que, en tant que spectateur, j'apprécierais moi-même ce que j'ai fait), mais je ne peux pas laisser passer un certain nombres d'inexactitudes ou de sottises que j'ai pu voir sur notre travail en général.
Par exemple, mais l'erreur est répandue et compréhensible, AB n'a jamais été pour rien dans les doublages des animés. C'était peut-être le client (et encore, je n'en suis pas certain ; il me semble que c'était TF1), mais la qualité des doublages dépendait exclusivement de la SOFI, le doubleur en charge des Dragon Ball et des Chevaliers du Zodiaque.
Au passage, à propos de "doubleur", je ne saurais trop vous encourager à aller lire sur mon site http://www.ericlegrand.fr/ l'article que j'ai intitulé "Nous ne sommes pas des doubleurs".
Je relève aussi fréquemment l'amalgame entre le jeu et la qualité des textes, dont nous ne sommes jamais responsables. Il y a des auteurs et nous sommes là pour jouer ce qu'ils écrivent, même s'il nous arrive assez souvent (quand nous en avons le droit, ce qui n'est pas toujours le cas) de reprendre ce qu'ils ont pondu, parce que c'est rarement d'une qualité indiscutable.
Il faut toutefois savoir qu'ils n'ont pas toujours beaucoup de temps, qu'ils sont soumis à des oukases des chaînes (c'est comme ça que je ne sais quel imbécile dans je ne sais quel bureau a décidé que Seiya s'appellerait SeiyaR en français, au motif sans doute qu'un prénom se terminant par A faisait trop féminin ?), qu'à l'époque ils travaillaient à plusieurs sur le même produit sans avoir de bible récapitulative, de sorte que les noms pouvaient changer d'un épisode à l'autre, ce qu'il nous était impossible de modifier étant donné que nous ne pouvions pas nous souvenir de ce que nous avions dit, eu égard au rythme de travail et au fait que les épisodes, très répétitifs, se mélangeaient dans nos têtes. Nous faisions en effet 5 épisodes de DBZ par jour.
J'ai lu aussi beaucoup de critiques sur la qualité de nos cris par rapport à ceux des Japonais, ce qui m'a pas mal agacé.
D'une part, question de temps et d'économie de gorge (je vous propose de venir vous enquiller 5 épisodes de DBZ avec des hurlements, et on va voir la qualité de ce que vous pourrez sortir au bout ne serait-ce que du deuxième épisode pour ce qui concerne les hurlements), la plupart étaient repris de l'original, donc nous ne pouvons pas être mis en cause.
D'autre part, les Japonais (qui, soit dit en passant, ne doivent guère enregistrer que deux épisodes par jour à tout casser, et encore) ne font pas leurs cris en totalité.
Je me permets de citer maintenant ce que j'ai écrit à ce sujet sur ma page Facebook :
Amusez-vous à chronométrer les cris. Certains sont atrocement longs et durent des secondes et des secondes. Il est humainement impossible de les tenir sur la durée. Ça ne pose pas de problème aux Japonais : ils n'en font qu'une partie puis on les aide en leur allongeant techniquement ce qu'ils ont fait et, en plus, on en retravaille la qualité sonore en post production, ce qui donne ce quelque chose de particulier (qu'on attribue à leur gosier, comme j'ai pu le lire ^^). De sorte qu'ils peuvent faire durer ça autant qu'ils veulent !
De notre côté ce n'est pas du tout le même topo. Quand il faut le faire (comme cela a été le cas sur DBZ Kaï où nous avons fait tous les cris nous-mêmes, sauf à la toute fin où je m'étais bousillé la voix à force de hurler), nous devons tout faire nous-mêmes avec nos petits larynx, question de temps (et de mauvaise volonté peut-être aussi, parce que j'ai dans l'idée que ce serait assez facilement faisable d'allonger artificiellement un morceau de cri… Mais bon). Et je pense que personne ne se rend bien compte de ce que c'est, tant qu'il n'a pas assisté à un enregistrement.
Alors, même si on nous sommes très souvent obligés de nous arrêter en cours de route sur les trop longs cris pour reprendre notre souffle et de les scinder en deux, trois, voire quatre parties, c'est épuisant et très dangereux pour la voix. Il n'empêche que, tous autant que nous étions, nous ne nous sommes jamais économisé et que nous pouvons garder la tête haute par rapport à nos confrère nippons. Nous ne faisons pas moins bien, ni moins fort, ni moins intense. Ça me met même franchement en colère de lire le contraire. Tous les non professionnels qui ont pu assister aux enregistrements pourraient en témoigner.
Autre chose qui a le don de me foutre en rogne, c'est quand je lis que nous ne mettons pas de coeur dans ce que nous faisons. C'est l'ineptie la plus absolue qui soit. D'abord ce n'est pas une question de coeur (donc de sentiment) mais de conscience professionnelle. Et dans leur immense majorité les comédiens en ont autant lorsqu'ils font du doublage que lorsqu'ils sont sur scène ou devant une caméra. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'on aime ou non le produit sur lequel on travaille ou le personnage qu'on doit faire. C'est une question d'amour de notre métier, d'une part, de respect du public et de soi-même d'autre part. C'est nous qu'on entend, et personne n'a envie de faire entendre de soi autre chose que le meilleur qu'il peut donner. Et c'est toujours ce meilleur que les comédiens (à quelques rares exceptions près) essaient de proposer (même si ce meilleur n'est pas bon), en ayant en tête qu'ils n'ont pas envie d'être considérés comme mauvais. Sachant que cela se fait dans les limites du temps qui nous est imparti, sous la direction de quelqu'un qui peut nous demander des choses que nous ne voulons pas faire ou se contenter de choses que nous voudrions refaire, et dans le carcan d'un texte qui ne nous permet pas toujours d'être au mieux de nos possibilités.
Voilà ! J'aurai sans doute d'autres choses à dire et je suis là pour répondre à tout, y compris aux critiques négatives.
