Ce qui conduit naturellement à l'illégitimité du pouvoir sur eux d'un quelconque Etat, quand bien même ce dernier aurait été choisi par un groupe d'individus majoritaires.
Bah euh non. C'est bien pourquoi on fait la différence entre liberté naturelle et liberté civile. Il faut quand même rappeler que le libéralisme est né dans le contexte d'un Etat qu'on appellerait, nous, régalien, donc qui ne se préoccupait pas trop de social. L'Etat Providence étant évidemment une invention postérieure à Hobbes, Locke ou même Smith.
C'est le courant dominant qui préconise un peu d'Etat.
Tu fais comme si, pour les libéraux, l'Etat était le mal nécessaire. Mais pas du tout. L'Etat est la condition sine qua non pour le respect des libertés. C'est bien pourquoi la question des abus de l'autorité est si prégnante chez Locke : l'Etat est incontournable, il faut travailler à en borner les prétentions.
Pour differencier les principaux courants au sein du libéralisme, on parle d'ultraliberalistes pour les distinguer des classiques.
On parlerait plutôt de néolibéralisme, et ce néolibéralisme est en fait en connivence avec l'Etat.
Une "anarchie holiste" n'est pas une à anarchie. Ou alors, il faudrait que tu m'explique.
Le fédéralisme de Proudhon peut être vu comme du holisme. Et puis par exemple, il croit en la force d'un collectif qui dépasse la somme des forces individuelles. Je ne donne qu'un exemple tiré de "Qu'est-ce-que la propriété ?" :
"Le capitaliste, dit-on, a payé les journées des ouvriers ; pour être exact, il faut dire que le capitaliste a payé autant de fois une journée qu'il a employé d'ouvriers chaque jour, ce qui n'est point du tout la même chose.
Car, cette force immense qui résulte de l'union et de l'harmonie des travailleurs, de la convergence et de la simultanéité de leurs efforts, il ne l'a point payée. Deux cents grenadiers ont en quelques heures dressé l'obélisque de Luqsor sur sa base : suppose-t-on qu'un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout ?"
Selon moi, l'anarchie, c'est la forme la plus extrême du libéralisme. C'est comme si tu me parlais d'un régime étatiste anarchique. Ou d'un monde réel irréel. Ça n'est juste pas possible.
Là encore, tu confonds libéralisme et individualisme. L'anarchisme n'est pas libéral puisque justement son ambition est d'en finir avec la domination politique de l'Etat (et d'ailleurs de toute forme d'autorité illégitime, voir par exemple les critiques de la distinction mineur/majeur).
@Niic : je rappelle que pour Adam Smith, la main invisible (qui n'est mentionnée que trois fois dans l'oeuvre, mais soit) est un moyen pour parvenir à l'égalité des chances ; l'égalité des conditions n'étant qu'un moyen. On notera d'ailleurs que pour Smith, l'éducation, assurée par l'Etat, était le moyen de cette égalité des chances. Le libéralisme classique est un égalitarisme et un humanisme et est à distinguer de ce que vous appelez libéralisme et qui en fait du néolibéralisme. Il y a cependant dans le libéralisme l'idée que les hommes sont égoïstes. De ce point de vue, l'anarchisme est plus mesuré puisqu'il reprend du socialisme l'idée que les hommes sont aussi capables de s'associer, raison pour laquelle Chomsky dit de l'anarchisme qu'il naît de la rencontre entre socialisme et libéralisme.
Toujours est-il qu'il y a un hiatus entre la mobilisation du corpus libéral et le véritable moment historique à l'oeuvre, ce qui fait souvent confondre ce qu'on vit aujourd'hui avec le libéralisme originel. Mais nous sommes en effet éloignés du libéralisme originel. Raison pour laquelle je peux m'appeler libéral sans pour autant souscrire à quoi que ce soit des tares de notre époque.
Mais bref, qu'est-ce-que le néolibéralisme ? Je dirais qu'en fait il s'agit d'une certaine alliance entre l'Etat et le capitalisme qui emprunte au libéralisme mais aussi à toutes les critiques historiques qui ont poussé entre temps (par exemple le marxisme). Raison pour laquelle il peut être critiqué à gauche comme à droite (mais au prix d'une erreur). J'ajouterais que les "libéraux" qui critiquent l'Etat ne sont pas conséquents parce qu'ils se placent en fait en dehors de l'histoire et pensent toujours que le marché est la forme spontanée de l'échange. Ce qui est évidemment faux. C'est aussi la raison pour laquelle j'insiste pour faire du capitalisme une forme particulière d'organisation de la société. Le néolibéralisme étant l'alliance des intérêts du capital et de l'Etat.
Alors que le libéralisme classique appelait à une limitation de l'Etat pour laisser advenir l'ordre naturel du marché, le néo (par exemple sous la forme de l'ordolibéralisme) appelle à une intervention active de l'Etat pour le faire advenir. De ce point de vue, le néolibéralisme a reçu cinq sur cinq la critique concernant la soit-disant naturalité du marché.
Deuxièmement, le néolibéralisme met en avant la concurrence généralisée et non pas l'échange (la concurrence dont le cadre doit être mis en oeuvre et supervisé par l'Etat).
Ensuite, l'Etat se soumet lui-même aux règles qu'il a établit, ce qui conduit à imposer le discours entrepreunarial à sa propre organisation interne (ce que les libéraux comme Smith n'avaient évidemment pas prévu), ce qui se voit très bien dès lors que vous appartenez à une administration publique (où la "décentralisation" n'est que le faux-nez du bonapartisme et du caporalisme, loin de l'image jacobine que j'ai de l'Etat).
Enfin, le néolibéralisme en tant que projet de mise en concurrence généralisée propose (et oblige) les individus à se faire entrepreneur d'eux-mêmes et à rentrer en concurrence les uns avec les autres.
Bref, le libéralisme c'est pépère et assez humaniste, chacun faisant ce qu'il a à faire dans son coin et rencontrant les autres quand il a envie de quelque chose (selon l'idée de Tocqueville, en fait), le néolibéralisme c'est l'obligation faite à chacun d'aller buter son voisin, car ainsi tout le monde deviendra plus fort.