Bien entendu qu'il n'est pas question de mensualiser les auteurs.
Bien entendu que leurs revenus dépendent des ventes - donc du succès de leur production (et là, ça dépend autant de la qualité du boulot de l'auteur que de celle de l'éditeur).
Bien entendu qu'il y a pléthore de gens qui se prétendent "écrivains" alors qu'ils sont nuls - ce sont les mêmes qui refusent la critique, logique, comment pourraient-ils progresser quand ils sont incapables d'admettre en avoir besoin ?
Pour moi, un écrivain est quelqu'un qui vit de sa plume, tous les autres, sont des auteurs.
Le mec qui gribouille de méchants fanarts va assez vite se faire renvoyer dans les cordes quand c'est moche, qu'il n'a pas la technique, etc...
Le problème avec l'écriture, c'est que la notion de moche, de pas abouti est vachement plus difficile à exprimer. Tu fais un visage tout biscornu, les défauts sont faciles à pointer alors que peu de gens sauront mettre les mots sur une syntaxe, une intrigue de niveau insuffisant. Même des lecteurs avertis qui seront capables de dire "que ça ne casse rien", seront bien en peine de décrire pourquoi.
Le dessin est facilement comparable avec un modèle. Un texte, non. Du coup, les gens alignent des phrases, des mots, racontent quelque chose et pour eux, ça suffit. C'est comme si tu sortais avec ton niveau d'art plastique du collège et que tu te pointes chez un éditeur pour qu'il sorte ta BD !
Mais le pire, c'est que la plupart des gens croient - et tu sembles en faire partie - que bien écrire n'exige rien d'autre.
Eh bien désolée de détruire un mythe : mais bien écrire demande autant d'apprentissage que bien dessiner.
La célèbre maxime : « Le succès c'est 20 % de talent, 80 % de travail » vaut autant pour l'écriture que n'importe quel autre art.
Comme je l'ai déjà dit : Asura dessine comme un dieu, mais c'est le résultat de centaines et de centaines d'heures d'exercice à la technique.
À mon petit niveau, la qualité de mon écriture n'a rien à voir avec celle d'il y a quelques années en arrière, ce n'est pas tombé du ciel non plus.
Depuis que je suis sur l'US je n'ai pas cessé de bosser sur les techniques d'écriture, et je n'ai rien envoyé à l'édition depuis "Sombre-Mort" (et même lui je ne l'avais pas envoyé, c'est l'éditeur qui est venu me le demander) parce que je savais ne pas avoir le niveau. Là, je retente seulement, juste avec des nouvelles, pour tâter le terrain avant de bosser comme il faut mes projets de roman. Parce que l'idée ne suffit pas. Parce que le succès sur une fanfic ne suffit pas. Parce que je suis lucide et que je vois bien le fossé qui sépare un texte de qualité "édition" de ce qui ne l'a pas, y compris pour ma tambouille. Peut-être arriverai-je à quelque chose de valable, peut-être pas, mais une chose est certaine, c'est que la somme de boulot engagée n'est pas quantifiable.
C'est là que la notion de passion intervient.
La différence entre un artiste accompli et le commun des mortel, c'est la passion. C'est le secret qui permet de continuer à s'investir là où les autres ont laissé tomber depuis longtemps (ceux là même qui vont dire à Asura : « T'as trop de la chance de dessiner comme ça... » - Ben non, ça n'a rien à voir avec la chance !).
Le problème, c'est que dans l'esprit des gens, la passion n'est pas associée à la notion de travail, juste à celle de plaisir.
Ben oui, Asura dessine parce qu'il aime ça... mais cela n'empêche que sa passion pèse des centaines, des milliers d'heures de travail.
Donc ouais, ça me pompe légèrement d'entendre quelqu'un dire qu'un auteur ne glande rien parce qu'il les met tous dans le même panier.
Et ça vaut pour le dessinateur, hein ! Le cliché du mec qui passe son temps à se gratter les couilles en suçant son crayon a la vie aussi dure que celui de l'écrivain oisif.
En ce qui me concerne, d'ailleurs, l'idée que je puisse vivre un jour de mon écriture ne fait pas partie d'un éventuel projet. Je sais très bien qu'il s'agit d'une chimère inaccessible. Vivre de sa plume en France tient de l'utopie. Je vois plutôt l'argent que ça pourrait me rapporter comme une sorte de récompense pour le travail fourni, un pourboire, en somme (pour l'instant, Sombre-Mort ne me paie pas les petit-déjeuners d'une semaine...

Bref...
Il n'en reste pas moins que seulement toucher entre 8 et 12 % du bouquin - ton oeuvre (les 12 % sont moins courants que les 10 % - et rappelons que les auteurs BD associés dessinateur/scénariste divisent ça en deux) alors que c'est toi qui a fait l'essentiel du boulot, ça fout les boules.
J'ai aussi une petite pensée pour les illustrateurs de couverture... qui ne touchent pas non plus grand chose alors que leur oeuvre participe plus que largement au succès des ventes. (souvent moins de 500 euros). Je trouverais plus juste qu'ils aient aussi un petit pourcentage. Mais bon.
D'un autre côté, même si le bouquin ne se vend pas, ils ont touché quelque chose.
En principe, l'auteur aussi. Les éditeurs sont censés verser ce qui s'appelle un "À valoir" avant la sortie du bouquin - une somme fixe (quelques centaines d'euros pour un premier ouvrage) considérée comme une avance sur les droits d'auteurs, sauf qu'elle est acquise même si les ventes ne permettent pas d'atteindre son seuil. Cette avance s'explique par le fait que les droits d'auteurs ne sont versé qu'une fois par an. Ouaip, quand tu es édité, tu ne touches rien avant l'année suivante - hormis l'à valoir. Sauf que la plupart des petits éditeurs ne le versent pas/plus, et que même les éditeurs plus importants "oublient" cet usage pour les premières éditions.
Je rappelle, tout de même, que l'éditeur, avec ses 35 % vit sur plusieurs dizaines, centaines - milliers pour les plus gros - d'auteurs, alors que l'auteur n'a que sa production. Bon, tu vas me dire, il n'a qu'à écrire d'autres bouquins. S'il ne vit que de sa plume, il n'a de toute façon pas le choix, parce qu'un bouquin, ça ne s'achète qu'une fois, en dehors des grands noms de la littérature, passé la première année, les ventes deviennent anecdotiques.
Rêveusement,
Foenidis